Quatre types sont dans un vaisseau spatial, le Dark Star. Ça fait plus de vingt ans qu’ils sont là, à vadrouiller aux quatre coins de l’univers pour faire péter des planètes. Leurs noms sont inscrits sur leurs uniformes, mais eux-mêmes ne s’en rappellent plus. À tout prendre, ils s’en moquent un peu. Coincés dans le Dark Star, les quatre personnages sans identité attendent que le temps passe.
C’est, à n’en pas douter, Samuel Beckett lui-même qui a baptisé le Dark Star au moment de son vol inaugural. Parfaitement absurde, le film est l’œuvre du binôme John Carpenter/Dan O’Bannon (bien connu pour avoir écrit le scénario d’Alien et réalisé le potache et réjouissant Retour des morts-vivants). Si Carpenter est crédité en tant que réalisateur, c’est sans nul doute à O’Bannon qu’on doit le ton absurde et sarcastique du film, d’autant plus que le personnage qu’il interprète se taille la part du lion à l’écran. On discerne également, avec une clarté déconcertante, à quel point Dan O’Bannon comprend la science-fiction littéraire, et combien cette connaissance préside à la fois à la naissance d’Alien et de Dark Star, qui apparaît ici comme le grand cousin nihiliste du film de Ridley Scott.
Dark Star est célèbre comme le premier film de John Carpenter, mais également comme l’un des rares films de fin d’étude de l’UCLA (où ont notamment étudié Coppola et Scorsese) à être parvenus jusqu’au grand écran – sans que cela ait été une partie de plaisir. Sortir du giron de l’UCLA était déjà difficile, mais une fois parvenu dans les mains de Jack Harris – le seul distributeur à vouloir lui donner sa chance – il faut le remonter, et l’amener à la durée réglementaire d’une heure et demie. Le DVD édité par Carlotta propose les deux versions, la seconde faisant douze minutes de moins : un temps consacré à des scènes de remplissage très hétérogènes, et qui peuvent être plus (la scène de l’orgue) ou moins (l’ascenseur, le ballon de plage extraterrestre) bien intégrées.
Des changements nécessaires à l’accession en salle – le changement de format, notamment –, le documentaire Let There Be Light de Daniel Griffith fait état, avec une certaine légèreté. Des perches passionnantes sont tendues, sans qu’aucune piste ne soit réellement exploitée. On perçoit bien que, de la mainmise exercée sur le film par l’UCLA jusqu’à celle de Jack Harris, accoucher du film n’a pas dû être une partie de plaisir. Mais le tout reste superficiel. Affleure également ce qui semble être le propos final du documentaire : rendre à Dan O’Bannon ce qui lui est dû. John Carpenter a refusé de participer au documentaire, apprend-on dans ses dernières minutes, le transformant presque ainsi en document à charge contre le réalisateur de Halloween. Et peut-être est-ce légitime, tant le rôle pourtant central de Dan O’Bannon semble être minimisé par la postérité : encore eût-il fallu, pour que ce soit convaincant, que le propos frivole et superficiel de Daniel Griffith prenne le temps du calme et d’un peu plus de profondeur. De cette édition remasterisée, on retiendra donc, avant tout, le double programme des deux versions du film, la version courte constituant tout particulièrement un document de choix pour les amateurs de John Carpenter.