Dans une station-service, Frankie (Clint Eastwood) s’affaire autour de sa voiture tandis que Maggie (Hilary Swank), assise à l’intérieur, regarde dans le vide, encore habitée par la scène précédente qui a vu sa mère la juger avec mépris. Discrètement, le cinéaste-acteur va initier, par une suite de gestes et d’actions en apparence anodins, le retour du sourire de Maggie.
1) Frankie lave d’abord le pare-brise de la voiture, prenant conscience de la peine de la boxeuse en même temps que, symboliquement, il chasse la tristesse qui recouvre son visage.
2) Frankie, après avoir regardé une nouvelle fois Maggie, s’avance pour refermer le capot de la voiture. C’est à ce moment-là que s’amorce un travelling latéral, partant de Clint et qui contourne le véhicule pour s’achever entre deux pompes encadrant la jeune fille. Par un effet de balancier, la clôture du capot lance ainsi un mouvement dont la finalité serait d’aller vers une ouverture (la fenêtre de Maggie).
3) Pendant ce temps, Frankie a glissé dans l’arrière-plan et, précisément au moment où il tourne la tête derrière la vitre en direction de la jeune fille, cette dernière en fait de même, comme en écho, pour découvrir ce qui se trouve face à elle.
4) S’amorce alors le champ-contrechamp qui réchauffe le cœur de la boxeuse : une petite fille caressant son chien sourit à Maggie qui, attendrie, lui fait un signe de la main. Clint, de son côté, continue telle une ombre à se déplacer dans arrière-plan.
La scène témoigne par là de la minutie de la découpe, qui vient fondre l’économie d’une scène (une interaction entre Frankie et Maggie) dans le mouvement général du film (tout le récit est guidé par la voix d’Eddie, joué par Morgan Freeman, qui écrit à la fille de Frankie pour rendre compte de la générosité discrète de ce père qu’elle n’a pas connu), autant qu’elle ne renseigne sur la manière dont l’acteur sait, en dirigeant pourtant la scène de l’intérieur du plan, se mettre en retrait pour mieux servir les autres personnages. C’est, pour reprendre le titre de l’un des plus beaux films de Douglas Sirk, le secret magnifique de Clint Eastwood.