Ce premier long-métrage de fiction de Barry Jenkins nous conte l’histoire de Micah et Jo, deux Afro-Américains vivant à San Francisco. Après leur rencontre d’une nuit, Jo décide de partir au petit matin. Mais à la faveur d’un trajet partagé en taxi et d’un portefeuille perdu, Micah la retrouve. Jenkins nous livre une œuvre aérienne qui arrive à capter avec brio l’éphémère qui émane d’une aventure sans lendemain. Le cinéaste filme de nombreux petits blocs de sensations qu’il magnifie par une bande-son atmosphérique. La caméra accompagne avec légèreté le couple dans des moments qui pourraient sembler creux et anodins mais qui sont souvent les plus forts dans le souvenir d’une relation amoureuse. L’auteur est également un fan de la Nouvelle Vague française, notamment de Godard – pour preuve les grimaces du héros rappelant À bout de souffle – ce qui l’amène à livrer un discours parallèle à l’histoire d’amour : il nous parle de l’évolution de la ville de San-Francisco qui s’embourgeoise en expulsant les classes populaires vers la périphérie. Le réalisateur intègre d’ailleurs avec brio une partie documentaire à son film, en retranscrivant les débats d’une association qui lutte pour le logement. Le cinéaste nous parle aussi de la condition noire, Jenkins étant visiblement préoccupé par le sort des minorités américaines. Nous sommes alors en présence d’une œuvre apparemment légère mais qui est en réalité totalement habitée par les problèmes sociaux de sa ville et de son pays. Le film se finit comme il débute, avec poésie. Jo disparaît avec grâce de la vie de Mikah ; elle n’est plus qu’un plan soudain, l’incarnation heureuse d’une douce mélancolie.