Rim est le paradigme des héroïnes de Yousry Nasrallah : jeune, belle, progressiste, libérée, un pied dans les médias, dans la conscience de l’image qu’on renvoie aux autres. Rim est publicitaire, elle travaille sur des spots pour des partis politiques et leurs candidats. Pas n’importe lesquels : ceux issus de la réaction démocratique ayant provoqué le récent renversement de Moubarak en Égypte.
Après la bataille s’inscrit dans la foulée des événements qui ont marqué les manifestations de la place Tahrir. Son objectif est de prendre à revers l’histoire qui s’est inscrite au degré des captations médiatiques – une histoire écrite trop vite, au rythme effréné des images. Rim se passe en boucle sur YouTube cette vidéo des cavaliers de Moubarak, affublés d’inoffensives cravaches, houspillés et molestés par la foule. En se rapprochant de l’un d’eux, elle découvre que ces pauvres hères illettrés, affamés par la désaffection du tourisme, étaient instrumentalisés par le pouvoir. Le film montre comment cette domination des propriétaires, répondant à des rapports de classe archaïques, continue même après la révolution, sous d’autres formes.
Il y a de beaux moments. Ceux qui explorent l’intrication entre l’intime et le politique sont particulièrement réjouissants – il faut voir comment naissent ces débats civiques en pleines conversations de tous les jours, dispute de couple ou conciliabule entre amis, dans la bouche de personnages de soap-opéra, très simplement croqués, très francs. La patte de Nasrallah brille lors de ces échanges volubiles, plein de vivacité, où les idées se mettent sur la table sous l’égide d’une plaisanterie ou d’une explication.
En revanche, il s’emmêle les pinceaux dans son projet de fondre les documents bruts de la révolution (ces petites vidéos captées à vif au cœur des événements) à la forme télévisée du mélodrame égyptien : hétérogènes, les deux sources se retrouvent dos à dos et, sans trouver de terrain d’entente, se neutralisent – d’où l’aspect sec, peu émouvant du mélo. Le film a été tourné dans l’urgence, dans le feu des événements, avec un souci évident de creuser les trop évidentes conclusions de l’actualité. Nasrallah paie le prix de sa réactivité en tombant dans les ornières d’un scénario très convenu – celui de la prise de conscience – avec les personnages rigides qu’on lui connaît – l’interprétation moyenne des comédiens n’arrange rien à l’affaire. S’il avait joué à fond la carte du genre, le film aurait été certainement moins inégal, moins « à chaud » aussi. Pas sûr qu’il eût été plus passionnant.