Né en 1974 dans les Ardennes, le Belge David Lambert présentait à la Semaine de la Critique son premier long métrage Hors les murs. Ce n’est pourtant pas un débutant : scénariste pour des films belges ou français (ex : La Régate de Bernard Bellefroid), David Lambert s’est fortement fait remarquer en 2009 – 2010 grâce à son court-métrage Vivre encore un peu. Au début, il ne pensait pas réaliser lui-même Hors les murs. Le destin en a voulu autrement et tant mieux, car nous sommes en présence ici d’un vrai cinéaste à l’univers affirmé.
Pourtant, le film aborde un thème vu et revu au cinéma : la rencontre amoureuse. Mais c’est d’un amour entre deux hommes dont il s’agit ici, d’une passion fulgurante naissant à Bruxelles, entre Ilir (Guillaume Gouix), bassiste beau gosse et sûr de lui, et Paulo (Matila Malliarakis), pianiste aux airs d’oisillon à la sexualité floue, « entre-deux ». Certes, nous sommes en 2012, mais l’amour gay au cinéma reste rare ; surtout s’il est montré avec finesse sous toutes ses dimensions, entre rires et larmes, douceur et désir fou, cris de jouissance et cris de désespoir. Hors les murs explore justement cette complexité inhérente à toute relation amoureuse et n’en perd aucune miette, de la rencontre à la séparation en passant par ces infimes moments de bonheur et de jubilation à deux.
Si au bout de quelques nuits, Paulo quitte bien vite les murs d’un nid hétérosexuel bien douillet pour rejoindre l’appartement bordélique d’Ilir, ce dernier se déleste rapidement de sa goujaterie macho (« jouer à touche-pipi trois minutes » ne voulant au départ rien dire pour lui…) pour s’investir dans une passion exclusive avec ce blondinet qu’il désire finalement « rien qu’à lui pour toujours ». Si certaines scènes sont extrêmement drôles (retenons celle de l’achat d’un lubrifiant saveur ananas, pour cause de pénurie de saveur kiwi ; ou celle d’un coming-out annoncé au micro d’un petit supermarché de quartier…), d’autres scènes plus intimes nous ravissent par leur beauté visuelle et leur mise en scène délicate. Ainsi en est-il du premier baiser ou d’un face à face inversé filmé d’en-dessus, façon tête bêche post-69, où les amants se chamaillent et attirent à tour de rôle l’œil de la caméra. Mais les histoires d’amour finissant mal, les beaux jours d’Ilir et de Paulo s’assombrissent lorsque Ilir « disparaît », symboliquement emmuré, pour une stupide histoire de shit et d’outrage sur agent.
Clairement divisé en trois parties, Hors les murs bascule dès lors dans le drame. Les bégaiements puis les cris angoissés de Paulo montrent à quel point l’absence peut être douloureuse et le manque cruel. Vécue comme une mort brutale par le jeune homme, cette séparation forcée l’amène malgré lui à s’endurcir, tout d’abord par des pulsions autodestructrices et masochistes (le scénario n’évite pas quelques clichés…) puis via son amour pour un autre homme. Lorsque Ilir retrouve enfin sa liberté, l’inversion des rôles est frappante ; visiblement toujours amoureux, le voici dominé face à un Paulo embourgeoisé et vidé de tout désir pour lui. Reste à Ilir sa liberté retrouvée. Révélé en 2011 par Jimmy Rivière, Guillaume Gouix illumine littéralement le film de David Lambert, tour à tour, séducteur, touchant, sanguin et rieur, et disons-le, diablement sexy. Quant à Matila Malliarakis, l’acteur réalise une prestation plus inégale. Malgré une structure scénaristique un peu trop cadenassée, Hors les murs est une belle découverte. Une flèche en plein cœur.