On pense inévitablement à Twin Peaks face à Top of the Lake, la minisérie dont Jane Campion, lauréate cette année du Carrosse d’or, présenta jeudi les deux premiers épisodes. L’agent Cooper y est transformé en une femme inspecteur, Robin Griffin, qui, de passage dans sa région d’origine, se retrouve à enquêter sur le cas d’une jeune fille de douze ans tombée enceinte. De l’œuvre de David Lynch, on retrouve le caractère étouffant d’une communauté gangrenée par toutes sortes de vices, qui ne voit évidemment pas d’un bon œil l’intrusion d’une citadine dans ses petites affaires. Comme Twin Peaks également, Top of the Lake baigne dans une atmosphère qui frôle par moments le surnaturel. Par ses images – celle, inaugurale, de la jeune Tui s’immergeant jusqu’au cou dans le lac, celles des paysages évocateurs de la Nouvelle-Zélande – ou ce qui s’y dit – l’eau du lac aurait des propriétés maléfiques.
Cette ambiance de conte noir se mêle perpétuellement aux aspects plus factuels de l’enquête policière, traités de façon beaucoup plus traditionnelle. Mais elle entre surtout en collision avec une ligne narrative parallèle qui s’attache à évoquer l’installation dans la région d’une petite communauté de femmes, réunies autour d’une sorte de gourou taciturne et androgyne (Holly Hunter). C’est sous l’angle comique que Jane Campion aborde ces personnages, provoquant par là même maintes ruptures de ton. On ne sait encore quel sort le scénario leur réserve, mais il apparaît dans les deux premiers épisodes que l’intrusion de ces corps étrangers dans la communauté rurale masculine de Laketop aura l’effet d’un détonateur. L’autre corps (devenu) étranger venant perturber l’équilibre local est donc celui de Robin. On aurait pu la croire définitivement marquée par son rôle dans Mad Men ; au contraire, Elisabeth Moss est en osmose parfaite avec ce nouveau personnage de femme indépendante. Ses grands yeux, son visage volontiers impassible, sa féminité légèrement carrée captivent de scène en scène. D’autant que le scénario est saupoudré d’indices propres à donner au spectateur le sentiment que nombre de faits lui échappent encore et restent à découvrir.
C’est donc ailleurs que le bât blesse : certaines séquences, les plus balisées, paraissent totalement artificielles faute de bénéficier d’une attention et d’une durée suffisantes. Comme si la réalisatrice cherchait à les expédier pour revenir au plus vite à des scènes plus personnelles. Globalement, pourtant, le pari est réussi : on ressort de ces deux épisodes accrochés, convaincus que la suite de la série renfermera autant d’entorses aux codes de la série policière que de fulgurances visuelles. D’ici la diffusion de l’intégralité de Top of the Lake sur Arte en octobre, les intrigants personnages gravitant autour du lac ne quitteront probablement pas totalement notre esprit.