Le Lac aux oies sauvages appartient à ce qui s’apparente désormais à un sous-genre festivalier, le polar chinois nocturne, dont Black Coal, déjà de Diao Yinan, constituerait une sorte de mètre-étalon. Ce nouveau film, qui raconte une chasse à l’homme sur fond de règlements de comptes et de trahisons, a le mérite de s’écarter de toute perspective sociologique ou métaphysique pour proposer un récit qui serait à la lettre diaphane, d’un telle transparence dans ses enjeux qu’il permet au cinéaste de ne se focaliser que sur des micro-événements lumineux et chromatiques. Autant dire que si le film reste un peu anecdotique, ses trouvailles plastiques détonnent dans une compétition où les cinéastes privilégient globalement le gros trait aux détails de mise en scène.
Or Le Lac aux oies sauvages n’est au fond que cela – ce qui constitue inévitablement sa limite –, une suite de beaux détails qui jalonnent un fil dégrossi, structurée autour d’une poignée d’actions. Un phare qui surgit dans la pénombre, la face d’un tigre illuminée par un halo, une falaise qui s’anime de lueurs blanchâtres : les fluctuations des personnages et de leurs affects servent d’écrin à la nuit et à la lumière. Diao Yinan évite toutefois de tomber dans le piège du pur maniérisme par l’ambition de sécheresse qui anime son découpage, d’une vélocité un peu inattendue et qui a le mérite, ici et là, de saisir l’organisation d’un espace et de détailler, dans des séquences quasi-muettes, une trajectoire dans son entièreté. À son meilleur, le film envisage ses figures comme de simples corps en mouvements, définis par les couleurs qu’ils portent (un chapeau blanc, un maillot de football bleu et blanc souillé par une plaie) et qu’ils rejettent (le sang qui jaillit d’une tête décapitée, le sperme que recrache une prostituée sur une barque la nuit). Si bien que si le film manque assurément d’un fil conducteur fort qui donnerait à ses inspirations une réelle épaisseur, il n’en demeure pas moins une relative bonne surprise.