Parmi les courts métrages présentés à la Semaine de la Critique, au moins trois d’entre eux mettent en scène des personnages en conflit avec le monde des adultes, portant à chaque fois un regard différent sur l’adolescence. La comédie Mardi de 8 à 18 de Cécilia de Arce prend par exemple place entre les murs d’un collège, lieu exorcisant ce conflit générationnel. Si l’esthétique criarde, le brouhaha sonore et le montage haché viennent redoubler le tumulte initial provoqué par les collégiens, ces derniers s’y révèlent toutefois attachants. Le monde des adultes, respectant les protocoles sans même envisager son impact émotionnel sur les élèves, apparaît en revanche profondément déshumanisé. Seule Névine, la surveillante qui prend la défense de Logan, un collégien menacé d’expulsion, s’affirme du côté des adolescents. Riant à leurs provocations, elle est la seule à leur faire confiance, adoptant elle-même le look d’une collégienne, avec sa veste en jean et sa paire de Converse. La qualité de ce court réside alors dans sa tonalité composite : un mélange d’humour et de gravité, aussi empreint d’une certaine candeur.
She runs de Qiu Yang apparaît au contraire comme un film contemplatif et dépouillé, où les événements sont raréfiés. Il est pourtant habité par une tension sourde, liée à la pression exercée par les adultes (parents ou professeurs, encore eux) sur une collégienne chinoise simulant une douleur à la jambe afin d’être exemptée de ses cours de gymnastique. Une longue focale, gommant son environnement, témoigne dès lors de sa volonté de faire face à l’adversité en s’isolant du reste du monde. La composition symétrique des différents cadres, traversés par des lignes et des formes géométriques, souligne quant à elle la rigueur et l’autorité caractéristique des adultes. Si le cachet visuel de ce court impressionne par sa maîtrise et sa précision, la direction d’acteur et l’écriture s’avèrent plus limités. L’attitude de l’héroïne, tête baissée tout au long du film, semble ainsi trop caricaturale pour convaincre, et l’on regrette qu’un dénouement moraliste (« il faut dépasser ses peurs ») vienne s’opposer à la force de cet instant suspendu où la jeune fille, cachée dans les vestiaires, un disque en métal à la main, semble décidée à aller jusqu’à la mutilation pour ne pas prendre part à une représentation.
À l’autre bout du monde, au Costa Rica, une autre pression s’exerce sur l’héroïne de Lucía en el limbo de Valentina Maurel, sexuelle cette fois-ci. Car comme le lui fait remarquer une camarade de classe, il ne faudrait pas que celle-ci soit la dernière de la classe à « l’avoir fait », sous peine d’avoir à subir la honte de la virginité. De là naît l’urgence : Lucía est prête à tout, y compris à se jeter sur le premier venu, comme ce pervers rencontré dans un bus. Par un retournement de situation pour le moins comique, elle se met ainsi à suivre ce dernier avant qu’il ne prenne, effrayé, ses jambes à son cou. C’est que Lucía subit à chaque fois un rejet de l’Autre. La naissance de son désir y est continuellement contrariée par son rapport volontariste au corps, qui vient s’ajouter à l’impression de rester indésirable aux yeux du monde, favorisée par des poux dont elle essaie désespérément de se débarrasser. Ce sont ces sentiments adolescents, à la fois ténus et complexes, que vient retranscrire avec douceur et justesse ce film de Valentina Maurel.