Alors que Salomé quitte sa colocation pour l’été afin de surveiller la déchetterie du village isolé où elle a grandi, la caméra d’Alain Raoust filme cette campagne désertée et écrasée par le soleil comme un paysage de western. La cabane et le camion, où la jeune femme prend ses quartiers, portent les marques de son mystérieux prédécesseur et définissent un monde étrange et fourmillant, en autarcie entre les bennes à ordures. Salomé y fait la rencontre de gens de son âge atterris là par hasard : Jessica, improbable rejeton d’une émission de télé-réalité, et Clément, qu’elle a connu dans son enfance. Esquissant le portrait social d’une jeunesse périphérique et paumée, le film amorce rapidement un changement de ton qui accompagne le principal rebondissement de l’intrigue : le frère de Clément, amoureux de Salomé lorsqu’elle vivait encore au village, s’est suicidé peu de temps auparavant. C’est lui qui, avant la jeune femme, surveillait la déchetterie et a aménagé la cabane où elle loge désormais. En quelques scènes intrigantes, la caméra s’attache à sonder ce que le mort a laissé derrière lui, épousant le trouble de Salomé, forcée de vivre parmi les reliques de son premier amour. Alain Raoust fait de ce lieu à la fois trivial et poétique le point de convergence des deuils (Clément et ses parents qui viennent trier les affaires du frère décédé, le chien orphelin qui revient sur les traces de son maître), des désillusions (les rêves de gloire brisés de Jessica, la tentative de suicide avortée d’un cycliste) et des souvenirs (Salomé qui se confronte à un passé qu’elle semblait avoir oblitéré).
En partant de l’engagement anticapitaliste du disparu, Rêves de jeunesse tisse un fil politique plus maladroit où des dialogues forcés, notamment entre Salomé et Clément ou entre Salomé et la mère du défunt, tentent de rejouer à l’échelle intime de brûlants débats nationaux. Les personnages se trouvent alors trop vite réduits à des symboles vivants des exclusions, discriminations et déclassements par le prisme d’un discours dont les références révolutionnaires (musicales et littéraires) proviennent toutes d’une autre époque, fantasmée. Le film semble pâtir d’explications parfois didactiques et d’un symbolisme trop lourd, jusque dans la scène finale où s’invente une utopie dont l’angélisme annule toute portée subversive.