Tout s’est bien passé va droit au but : en quelques secondes et une sonnerie de téléphone, Emmanuelle (Sophie Marceau) rejoint à toute vitesse l’hôpital où son père (André Dussollier) se remet péniblement d’un AVC. On la retrouve ensuite dans une rame de métro, où un touriste lui demande son chemin en lui tendant une carte. La caméra isole le doigt de l’inconnu, posé sur la station Père Lachaise, puis cadre le regard absent d’Emmanuelle, avant qu’un premier flashback ne vienne illustrer à la hâte une relation père-fille que l’on devine conflictuelle. On l’aura compris, ce qui intéresse François Ozon (davantage que ses personnages ou le récit lui-même) est avant tout le sujet de son film. Il ne faudra qu’une poignée de scènes avant que Dussollier ne prononce la phrase fatidique, qu’il répètera d’ailleurs trois fois : « Je veux que tu m’aides à en finir. »
Tout s’est bien passé partage avec Grâce à Dieu une même tentation documentaire et court un risque analogue : celui de se laisser phagocyter par un sujet de société controversé (la pédophilie au sein de l’Église dans Grâce à Dieu, l’euthanasie ici). Quand Emmanuelle demande à son père s’il connaît la loi Leonetti, la question semble viser le spectateur, impression confirmée par la suite du récit, véritable cours abrégé dépliant un à un les principaux enjeux relatifs à la question de la mort assistée. Les personnages, quant à eux, restent à l’état d’ébauches caractérisées par une série de vignettes paresseuses dont on ne retient finalement que la mise en présence d’un interprète et du décor censé le définir (Marceau dans le métro, Marceau à la salle de sport, Marceau à un vernissage) ou du maquillage censé le transformer (le rictus post-AVC de Dussolier). Pressé d’entrer dans le vif du sujet, Ozon semble en même temps soucieux de mettre à distance sa dimension tragique en se livrant à un humour souvent maladroit. Le résultat s’avère même embarrassant quand le cabotinage du père vire au cynisme le plus décomplexé : « Je me demande comment font les pauvres », s’interroge-t-il après avoir découvert ce que lui coûtera l’euthanasie. Et quand sa fille lui répond que les pauvres attendent la mort, il se contente de lancer d’un ton espiègle : « les pauvres ! ».
Le film n’est toutefois pas totalement dénué d’intérêt et réussit au moins à combler un défaut de représentation en montrant avec précision le parcours du combattant auquel sont confrontés les personnages. La dernière partie réussit tant bien que mal à générer une certaine émotion, dès lors que le corps de Dussollier est mis en mouvement et ne se résume plus à une série de gros plans isolant les signes de la maladie (les doigts enflés, les draps souillés, etc.). Car c’est avant tout de ce corps qu’il s’agit, de sa disparition programmée et des adieux qu’il faut apprendre à lui adresser. Les scènes les plus réussies sont ainsi celles qui assument une certaine distance à l’égard de ce corps, filmant la silhouette affaiblie du père depuis l’extérieur d’un café ou d’une ambulance devenue, pour quelques minutes, l’équivalent tristement prosaïque d’un cercueil. Dans cette même scène, Ozon se livre à une mise en abyme révélatrice lorsqu’il fait dire au père que son histoire ferait un très bon sujet de roman. Une pirouette finale qui renvoie au livre d’Emmanuèle Bernheim adapté par le cinéaste, mais qui joue malheureusement contre le film : si Tout s’est bien passé peut indéniablement compter sur un sujet passionnant, le souffle romanesque est précisément ce qui lui fait défaut.