La température semble ne jamais baisser à Venise : tout le monde attend désespérément que la pluie tombe, les festivaliers commencent à sérieusement déplorer la médiocrité de la sélection officielle et la désorganisation générale (problèmes techniques au cours des projections, mauvaise gestion des flux, séances complètes) agace nombre de journalistes, ces ingrats privilégiés ! En somme, l’ambiance est idéale pour commencer la journée sur un film-catastrophe, réalisé par ce bon vieux Steven Soderbergh.
Selon son propre aveu, Soderbergh a voulu rendre hommage aux productions d’Irwin Allen qui, dans les années 1970, ont fait les beaux jours du box-office : La Tour infernale, L’Aventure du Poséidon, L’Inévitable Catastrophe… Des stars, un phénomène naturel spectaculaire, des scènes de panique et beaucoup de morts : la recette gagnante. Avec Contagion, Soderbergh réactive le genre en y insufflant le style factuel, froid et distancié qui est de plus en plus sa marque de fabrique depuis Bubble et Girlfriend Experience. À l’inverse du ton ouvertement mélodramatique des productions d’Allen, Contagion enchaîne les séquences comme une succession de dépêches AFP : il s’agit moins ici d’éprouver un minimum d’empathie pour les personnages sacrifiés que de suivre attentivement le cours magistral prodigué par le professeur Soderbergh sur le risque d’extinction pure et simple de la race humaine.
Ici, donc, un virus, qui commence par zigouiller le patient zéro (pauvre Gwyneth Paltrow, joyeusement scalpée pour l’occasion lors d’une sympathique séance d’autopsie) avant de s’étendre, très rapidement, au reste de la population mondiale. Le casting quatre étoiles est principalement utilisé pour donner un peu de glamour au panel INSEE compilé dans le scénario : le citoyen lambda (Matt Damon), les scientifiques (Kate Winslet, Laurence Fishburne, Marion Cotillard), le journaliste (Jude Law), le militaire (Bryan Cranston)… Selon un schéma connu de tous, puisque ressassé à l’envi par les télés et les journaux à chaque apparition d’un nouveau virus, le film déroule tranquillement sa mécanique paranoïaque avec un minimum d’effets : quelques scènes de pillage, de mouvements de foule, des plans furtifs sur des morts qu’on entasse et des rues désertées. Dans son refus du spectaculaire, Soderbergh parvient occasionnellement à créer un léger malaise, accentué par des décors impersonnels, vaguement inquiétants : hôtels, hôpitaux, salles de conférences, gymnases transformés en espaces de quarantaine… On dirait un peu un épisode d’Urgences filmé par le Olivier Assayas de Demonlover : le concept est plus excitant que le film lui-même, trop occupé à prendre très au sérieux son pedigree de film first class, et finit par ne susciter guère plus qu’un ennui poli. À tout prendre, le kitsch de La Tour infernale, c’est moins élégant, mais nettement plus fun.