Bien que remake d’un film d’Alain Corneau (Crime d’amour), le dernier film de Brian De Palma s’annonçait sulfureux et plutôt excitant, avec à l’affiche Rachel McAdams (Christine) et Noomi Rapace (Isabelle) pour camper deux femmes s’adonnant à la manipulation dans le cadre d’une grande multinationale, entre rivalités professionnelles et séduction perverse. Au cœur du film, un pli en forme de split screen : le crime, une blonde disparaît, d’une certaine manière. Passion n’est pas à proprement parler décevant ni déceptif, on peut même considérer qu’il fait son office. Mais le film dégage une forme de recyclage fétichiste de l’univers du cinéaste : son propre cinéma et les maîtres, dont Hitchcock, notamment les jeux de faux-semblants façon Vertigo via la gémellité et faisant « réapparaître » une morte. Au jeu de la capillarité de ces femmes, on pourra aussi établir un lien en direction de Mulholland Drive, mais le fait qu’une rousse vienne s’intercaler entre la brune et la blonde ne constitue pas le seul hiatus avec le film de David Lynch.
Le premier plan nous met en présence d’un emblème de notre époque, une pomme – tentatrice? – d’une marque informatique très célèbre. De Palma s’adonne à un jeu sur la continuité des images et leur flux sous toutes leurs formes – Internet, surveillance, téléphonie –, mais le vertige, entamé avec Snake Eyes (1998), est loin d’atteindre celui de Redacted (2007) qui excellait dans ce domaine, alors que la dramaturgie plus convenue reprenait elle-même celle d’Outrages (1989). L’emboîtement des images et de leurs différents régimes semble ici intervenir dans une sorte de contretemps, il en ressort une facture empruntée, presque rétro fin XXe. C’est plutôt la scène en split screen qui dégage un véritable souffle en faisant communiquer le crime et son alibi dans un agencement qui fait grand effet – mais là encore, quoi de neuf ? Le second versant de Passion est l’ouverture d’une boîte de Pandore après le crime. Une indistinction entre réalité et rêve qui occasionne un jeu pas déplaisant consistant à reconsidérer les actes au fil des réveils en sursaut d’Isabelle, bientôt sous la férule de la rousse Dani (Karoline Herfuth). Reconsidération ne veut pas dire relecture, pour un film sur le vertige, tout ça manque singulièrement de profondeur. Passion fait l’effet d’une bonne toile, pas si nombreuses dans le cadre de la compétition officielle ; ne boudons donc pas complètement notre plaisir.