Une jeune fille australienne fugue, ses parents partent à sa recherche assistés par un vieux détective privé. Cette histoire apparemment simple et limpide, Sue Brooks la transforme en suite de sketches la racontant de plusieurs points de vue différents, chaque segment apportant son lot de questions et de réponses, d’ellipses à combler, de révélations sur les à-côtés de cette fugue et sur les petits travers des uns et des autres. L’exercice est connu, et on garde notamment un excellent souvenir d’un spécimen chinois du genre vu à la Mostra de l’année dernière, The Coffin in the Mountain de Xin Yukun, qui maintenait d’un segment à l’autre un intérêt et une tension dignes d’une mini-série, où le jeu des reconstitutions et des déformations de la vérité aboutissait à une terrible comédie humaine (à quand sa sortie en salles ?). La visée de Looking for Grace est loin de tout cela, avant tout parce qu’aucun des segments n’aiguise franchement l’intérêt pour les autres. Il s’agit plutôt de répartir la narration ramifiée de l’histoire en une enfilade de mini-films de genres et de registres différents : l’aventure adolescente, le portrait d’un archétype décalé (le vieux détective), la comédie de mœurs, le drame.
Chaque segment, dans son genre, distrait, se montre plus ou moins efficace (Richard Roxburgh et Radha Mitchell s’en donnent à cœur joie en couple bourgeois quelque peu dépassé par les fissures de ses apparences), mais que ce soit en lui-même ou au sein d’un ensemble, peine à aboutir à quelque chose de marquant. Et puis, Sue Brooks ne sait pas tout à fait libérer son film de la primauté de son petit exercice de découpage : on pense notamment à un personnage de routier auquel un segment est consacré assez tôt dans le film, présence a priori anecdotique mais dont on apprend plus loin qu’elle servait simplement à coller les derniers morceaux de l’histoire par un coup de théâtre, menant à une conclusion délicatement exécutée mais qui, elle, ne surprendra pas. Seules quelques questions tacitement suggérées et demeurées sans réponse, notamment à la faveur d’une ellipse épargnée par le zèle de l’auteur (qu’est-ce qui peut éloigner émotionnellement un père et sa fille ? qu’est-ce qui provoque leur rapprochement ?), empêchent cette petite démonstration de conteur d’être tout à fait oubliable.