Une Palme d’Or chinoise ?
À la poursuite de son exploration des heurts et malheurs de la Chine contemporaine après Still Life et Useless, le cinéaste s’attache cette fois à la destruction de la cité ouvrière de Chengdu, dans la province du Sichuan, dans un style extrêmement novateur, jouant des interventions de personnes « réelles », parfois prises telles quelles, parfois jouées par des acteurs – sans que la distinction entre les deux ne fasse faire de grand écart au film –, mais aussi d’extraits de chansons et de poésies chinoises qui donnent à 24 City un rythme paisible et lancinant. On retiendra deux scènes en particulier : cet ouvrier qui retrouve son ancien chef d’atelier et contemple, les larmes aux yeux, la décadence physique d’un homme qui fut autrefois son modèle de courage et d’ardeur dans le travail ; ou cette femme (jouée par la très jolie comédienne Joan Chen, interprétant son propre sosie) qui ne s’est jamais mariée, après être tombée amoureuse d’un homme mort dans un accident d’avion pour cause de mauvaises pièces fabriquées dans l’usine où elle travaille – tragique ironie du sort. Concentré d’émotion, bouillonnant à la fois d’une nostalgie pour une certaine Chine, mais aussi d’une réflexion pertinente sur les défis de l’avenir, brillant et audacieux exercice de mise en scène appuyé par une délicate photographie, 24 City est sans doute déjà l’un des véritables « temps forts », n’en déplaise au Monde, du Festival de Cannes que nous apprécions sur ce site.