Je veux juste en finir, le nouveau film de Charlie Kaufman (scénariste à qui l’on doit Dans la peau de John Malkovich, Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou encore Adaptation), tire des événements incohérents qui font le sel de ses œuvres l’expression d’un profond mal-être : celui d’une jeune femme, tantôt Lucy, tantôt Lucia (elle est affublée de plusieurs prénoms), en route pour rencontrer les parents de son petit-ami, lui-même en proie au désespoir. Sans grande surprise, la visite de courtoisie tourne vite au délire mental, offrant un enchaînement de séquences absurdes qui parfois prêtent à rire (un repas familial quelque peu imprévisible) ou tombent à plat (l’entremêlement des temporalités, trop expéditif pour susciter le trouble recherché). Une discussion en voiture, un arrêt au marchand de glace ou le quotidien d’un concierge font suite à cette première rencontre : comme d’habitude, Kaufman multiplie les fausses pistes et les ruptures de ton, complique la trame de son récit en vue de perdre son spectateur dans les méandres d’un labyrinthe postmoderne, à grand renfort de citations et de pistes réflexives sur le statut de l’auteur, de la fiction et des personnages.
Au film de compiler alors les vignettes à forte connotation allégorique en illustrant au passage toutes les étapes du parcours de son héroïne, de son « vide intérieur » (une séquence d’ouverture dans les couloirs d’une maison tristement déserte) à sa catharsis (un spectacle musical en guise d’ultime libération). Au fond, l’étrangeté qu’entretient à tout prix Kaufman ne vise qu’à symboliser cette lente traversée du désert – celle induite par la dépression, qui se réduit ici aux clichés les plus éculés (format 1:33 pour étriquer l’espace, de la neige pour recouvrir la tristesse d’un soupçon d’immobilisme, des essuie-glaces balayant les larmes des passagers, des surcadrages comme autant de geôles intimes, etc.). C’est là que le film témoigne de sa plus grande limite : en cherchant à cultiver une bizarrerie un brin tape-à-l’œil (jusqu’au générique en police miniature) sans se départir de certains automatismes de mise en scène, Kaufman finit par ne manifester qu’un simple désir de distinction.