Quatre ans après que leur père, astrophysicien de génie prétendant pouvoir voyager dans l’espace par la force de l’esprit, s’est volatilisé sans laisser de trace, Meg, jeune fille renfermée, et son petit frère précoce se voient approchés par trois « voyageuses astrales » qui se proposent de les aider à le retrouver dans un monde lointain du nôtre, ce qui impliquera au passage de combattre une puissance maléfique… Conte de fées estampillé Disney et à peine verni de science-fiction et de psychologie adolescente, Un raccourci dans le temps promet un voyage qui, en effet, tourne court. Pas vraiment de rencontre avec un ailleurs en perspective, mais plutôt le déroulement d’une série de paysages fantasmagoriques sans réelle vie (les quelques silhouettes qui les habitent sont soit des créatures végétales décoratives, soit des illusions) et, surtout, dont le chatoiement visuel renvoie moins à un imaginaire qu’à un tape-à-l’œil très lourd. De bout en bout, Un raccourci dans le temps tâche de faire marcher ensemble deux mamelles du divertissement Disney, sur le mode le moins subtil et le plus suspect qui soit. L’une d’elles est le luxe de la direction artistique, ici débordant dans le mauvais sens du terme. La manifestation du fantastique exprime un appel insistant à la béatitude devant la luxuriance des créations numériques au pouvoir strictement décoratif et illustratif mais qui envahissent l’écran (même les héros, à la découverte d’un tel paysage, sont invités à se rouler dedans !), faisant du film le défilé de simulacres qui pourraient être moins désagréables s’ils n’étaient à ce point aseptisés, sans parler de leur mise en mouvement pataude par une réalisation sans grâce aucune (même sur l’académique Selma, Ava DuVernay ne paraissait pas autant à la ramasse de son matériau).
L’autre motif disneyen dessiné par le film, c’est le manichéisme de son argumentaire, qu’il rend particulièrement obtus. Qu’il envoie l’héroïne affronter rien moins que le Mal incarné armée de son amour indéfectible, c’est là le moindre de ses boulets. Plus embarrassante est sa façon d’ériger sommairement en règle la croyance en son propre univers de synthèse, à travers les attitudes de ses personnages. Meg doute de tout, des autres, de son avenir, de l’amour et même des mondes extraterrestres. Ce doute, nous assène-t-on, n’est pas naturel (puisqu’il a une cause non naturelle : l’absence de Papa, source de tous les problèmes terrestres de la famille amputée), c’est pourquoi Meg trouvera face à elle une petite troupe de personnages – les trois fées de l’espace (jouées comme des enseignantes aux caractères distincts mais convergents) et son petit génie de frère qui, lui, a cru en elles aussitôt – pour la pousser au train et lui enjoindre d’avoir la foi. Et la lourdeur illustrative se confond complètement avec cette sommation permanente à croire qui s’adresse autant au spectateur qu’à l’héroïne, touchant même les transitions de voyage dimensionnel de celui-ci où se fait sentir le mot d’ordre d’une illustration publicitaire : quand la jeune fille doute, figurer à chaque fois le blocage qui rendra sa traversée douloureuse ; une fois qu’elle aura cessé de douter, la récompenser par une affreuse séquence affichant sa béatitude au ralenti sur fond monochrome. Un raccourci dans le temps vaut comme piqûre de rappel sur ce qui arrive quand une entreprise de fédération conservatrice comme Disney décide, même dans les années 2010, de se passer de finesse.