Six mois après sa sortie, Les Chansons d’amour s’impose comme l’une des réussites les plus inattendues de l’année 2007. À la fois évident et complexe, limpide et torturé, ce quatrième long-métrage de Christophe Honoré a achevé de l’imposer comme l’un des réalisateurs les plus prometteurs de la nouvelle génération. L’édition DVD aujourd’hui proposée devrait satisfaire les aficionados malgré des bonus qui manquent un peu d’originalité.
Comme l’explique Christophe Honoré dans l’un des deux seuls bonus qui valent vraiment le détour, Les Chansons d’amour s’inscrit très clairement dans la démarche productionnelle des films de la Nouvelle Vague, c’est-à-dire qu’à un désir de film ne s’imposent pas forcément deux années d’attente et une multitude de commissions pour espérer obtenir les financements nécessaires. Pensé en septembre 2006, tourné en janvier 2007 et sorti au mois de mai de la même année, le quatrième long-métrage de Christophe Honoré semble s’affranchir de toutes les contraintes pour répondre à un désir de cinéma immédiat. D’où ce sentiment particulièrement étrange de ne pas voir Les Chansons d’amour comme un film figé dans le temps, mais plutôt comme un objet imprécis fait de flou et de clarté où la maladresse peut devenir gracieuse et vice versa. Sorti en plein festival de Cannes où il était sélectionné en compétition officielle, le film a remporté un beau succès public (300 000 entrées), au point de devenir le film générationnel de l’année, relayé par une bande originale qui n’a pas rencontré beaucoup de difficultés à trouver quelques dizaines de milliers d’acquéreurs.
Alors que bon nombre de cinéastes remettent en question leur rapport au cinéma entre deux films, Christophe Honoré a l’originalité d’avoir assuré cette rupture au sein même d’un film, Dans Paris, sorti au moment même où Les Chansons d’amour en était au stade de projet. Plus soucieux de prendre en considération le plaisir du public, Christophe Honoré décide, au bout d’une vingtaine de minutes de film, d’abandonner l’étrangeté un peu poseuse de 17 fois Cécile Cassard et de Ma mère pour prendre enfin en considération la question du plaisir (même perdu) et du sentiment. Bien évidemment, Les Chansons d’amour reste un film très référencé (Demy, Truffaut, Eustache, Godard) où le cinéphile pourra s’amuser à compter le nombre de clins d’œil adressés aux réalisateurs de la Nouvelle Vague. L’hommage revendiqué pourrait agacer mais Christophe Honoré voit progressivement son cinéma mûrir au point de digérer les références au modèle et faire des Chansons d’amour un film libre, flottant avec une indéniable grâce entre légèreté et gravité.
La question du deuil, comme pour la totalité de ses précédents films, est au centre du film car, paradoxalement, la mort est à chaque fois impulsateur de fiction. Ici, Julie (Ludivine Sagnier) est le centre d’un ménage à trois, entre Ismaël (Louis Garrel) et Alice (Clotilde Hesme). Sa mort prématurée laisse un grand vide que chaque membre de son entourage (ses parents, ses sœurs et ses amis) tentent de surmonter. Ce qui intéresse Honoré, c’est cette résistance à la mort d’Ismaël qui, vidé de lui-même, va pourtant se reconstruire dans les bras du jeune Erwan (Grégoire Leprince-Ringuet), peut-être culpabilisé de ne pas avoir assez aimé Julie du temps où elle était vivante. Derrière son apparente limpidité, Les Chansons d’amour fait finalement preuve d’une certaine complexité dans son approche du deuil, capable de prendre en considération toutes les questions liées à la perte d’un proche.
Il n’est pas évident, dans ces conditions, de proposer un contenu éditorial riche et précis dans le cadre d’une édition DVD. Proposé en simple ou en double, Les Chansons d’amour aurait néanmoins pu bénéficier d’une plus-value un peu plus emballante que les quatre petits bonus proposés sur le deuxième disque, les habituels filmographies et liens Internet. Les plus grands fans prendront peut-être du plaisir à observer les actrices en pleine session d’enregistrement mais trouveront un intérêt plus que limité au reportage assuré par le réalisateur lui-même dans un restaurant chinois, où les interventions de chaque comédien s’avèrent tout simplement inaudibles. Tout au plus pourrons-nous nous consoler d’un entretien (par ailleurs très intéressant) avec le réalisateur et de la plaisante conférence de presse de Cannes. Pour compléter cette édition imparfaite, la très belle bande originale du film est également proposée. De quoi ravir les fans.