Jamais Christophe Honoré n’était allé si loin dans le dévoilement de l’artificialité revendiquée de son cinéma. Toutes les astuces, les fausses et vraies trouvailles de mise en scène parviennent tout juste à masquer une intrigue sentimentale un peu pauvre dont le film ne propose aucune réelle relecture : le mari de Maria découvre qu’elle le trompe depuis des années et le couple, séparé pour la nuit, fait le point chacun de son côté. Toute l’ambition d’Honoré pourrait être résumée par ce plan de grue, ample mouvement d’appareil en arrière dans la rue qui sépare l’hôtel où Maria s’est installée de l’appartement où est resté son mari. À mesure que la caméra recule, on comprend que le décor est entièrement reconstitué sous la forme de maquette et, alors que la rue de carton-pâte apparaît désormais en plan large, les visages des deux époux se font face, disproportionnés, au-dessus des immeubles miniatures. Ce jeu constant sur la coulisse et le trucage évident (la fausse neige, le bébé transformé en poupée, etc.) va jusqu’à mettre en scène l’espace du studio dans des plongées où la caméra chemine au-dessus des décors. La séparation du film en deux espaces principaux (la chambre d’hôtel et l’appartement) répond à la même logique, la chambre apparaissant comme le lieu de la gestation bouillonnante où l’on organise la représentation ou le tournage qui aura lieu en face, derrière les baies vitrées de l’immeuble. La présence d’un cinéma au rez-de-chaussée du bâtiment ne relève évidemment pas du hasard dans un film où Christophe Honoré semble s’intéresser davantage à la mise en image de son propre univers créatif qu’à donner corps à son histoire.
Il reste intéressant d’observer l’évolution du personnage de femme que le réalisateur et Chiara Mastroianni construisent ensemble depuis plusieurs films. Les scènes les plus convaincantes sont celles qui montrent l’actrice sans autre esbroufe ni ambition que de faire advenir sur son visage une vérité du personnage. On reconnaît le talent d’Honoré à sa capacité à laisser malgré tout entrer un peu d’air au sein d’un dispositif à la lourdeur parfois étouffante. Il en va ainsi de ce plan, à la fin du film, où Maria se regarde dans un miroir placé derrière le comptoir d’un bar et qui émeut malgré sa sentimentalité, à l’image de la ballade à l’eau de rose diffusée en fond sonore.