Deux fois par mois, focus sur une vidéo ou une chaîne glanée sur Internet.
Si pour Terrence Malick, adepte de la courte focale et des images mobiles, s’associer avec un géant de la tech (Google et son Pixel 3) apparaît comme une évidence, on ne peut en dire autant de Damien Chazelle, grand adepte de la pellicule pour qui tourner avec une caméra numérique (celle du dernier iPhone) a tout l’air d’un pari risqué. Avec The Stunt Double, le jeune cinéaste tire de la verticalité de son appareil une petite contre-histoire du cinéma revisitant l’imaginaire canonique de la cinéphilie traditionnelle dans un format d’image jusqu’à présent négligé. Le dernier Tarantino étant passé par là, cette histoire alternative s’accompagne d’un hommage rendu aux doublures, à ces corps virevoltants mais silencieux de l’histoire du cinéma, privés de la gloire des acteurs stars et de leurs scènes de baisers. L’occasion pour Chazelle de reconstituer plusieurs époques prestigieuses, du cinéma muet au polar melvillien en passant par le western ou la comédie musicale. S’agit-il dès lors véritablement d’une prise de risque de la part du cinéaste ? On est tenté de répondre par la négative, tant ce passage au vertical et au numérique ne semble pouvoir se faire qu’en revenant vers l’analogique, comme en témoigne le parallèle opéré entre le format vertical et le défilement de la pellicule au début de la vidéo. Chazelle a beau se montrer inspiré ici et là dans le travail de cette verticalité, en privilégiant le portrait, en mettant l’accent sur la chute des protagonistes ou en rapprochant la posture d’un coureur avec le cadre, chaque plan peine à dépasser le stade du simple pastiche. Celui de La Prisonnière du Désert est à ce titre plutôt parlant. Chez Ford, il consistait entre autres à refermer le film comme il s’était ouvert, verticalement, en vue de figurer l’incapacité du héros fordien à se diriger ailleurs que vers le seul horizon bouché d’un Grand Ouest fantomatique. Ici intégré au sein d’une série d’images verticales qui, de toute façon, ont déjà pour effet de confiner les corps dans un cadre étriqué, le fameux plan se voit privé de son effet et ne bénéficie finalement que d’une valeur référentielle. Rien de mal à cela (c’est aussi le propre de la publicité et d’Internet que de jouer à fond la carte de la postmodernité), mais la plupart du temps les scènes et plans reproduits ne témoignent pas d’une réelle volonté d’adapter la mise en scène à ce nouveau format, le cadre de l’iPhone ne servant qu’à souligner la verticalité, plus ou moins cachée, des scènes célèbres d’une Histoire du cinéma dont il semble envier la nature prestigieuse. Ne jouissant ainsi que d’un intérêt passager, le format vertical devra attendre encore avant de connaître à son tour ses heures de gloire – à moins qu’il ne les connaisse déjà, dans le creux de nos mains, loin du prestige de la salle et de ses « Academy Award Winners ».