Le modding de jeux vidéo suit un objectif assez clair : tordre les règles du jeu, qu’il s’agisse des règles de gameplay (initier un autre jeu dans le jeu, en ajoutant des mécaniques et des modes alternatifs) ou des règles informatiques (modifier le code, quitte à complètement détraquer l’univers ludique). Quant au modder lui-même, il est quelque part un hors-la-loi en quête d’un autre monde que celui qui nous est initialement donné. Un titre en open world tel que Red Dead Redemption II invite naturellement à l’exercice de cette pratique : l’ultime souffle libertaire du Grand Ouest pousse le joueur à s’approprier un monde à son crépuscule, d’autant que le début de l’industrialisation et l’horizon de la maladie instaurent un réel sentiment d’urgence (c’est l’ultimatum posé à la bande de Dutch et au héros du jeu Arthur Morgan : « profitez de cette liberté, tant qu’il est encore temps »). Le vidéaste américain BedBananas a bien reçu le message et s’est attelé à détourner le jeu en deux machinimas assez mémorables. Le premier, The Wild Wacky West, suit les péripéties comiques d’un Arthur Morgan hanté par une scène de violence domestique : une session de pêche avec l’enfant de sa bande d’outlaws, durant laquelle Arthur frappe le jeune garçon avec une canne à pêche puis tente de l’abandonner. Le second court-métrage reconduit la même hantise (la maltraitance de l’enfant finit par rattraper l’oncle violent dans sa fuite) mais tord complètement les lois du jeu en mettant en scène une série d’aberrations cauchemardesques : des animaux géants, des PNJ qui déferlent comme des zombies en furie, une transformation du héros en volatile, etc. Le Modded a remplacé le Wild dans ce Grand Ouest qui a tout l’air d’une rêverie surréaliste, offrant au passage quelques raccords et scènes magnifiques. À la fin de la vidéo, Arthur Morgan se retrouve aux commandes d’une montgolfière avant de chuter dans le vide à la découverte d’un visage gigantesque sorti des nuages. Évoquant l’œil célèbre de Magritte (celui du Faux miroir), ce visage n’est autre que celui de l’enfant maltraité plus tôt – un violent retour du refoulé qui, en un raccord, mène le héros des hauteurs orageuses à une corniche ensoleillée après un passage fulgurant dans une obscure galerie ferroviaire. De cette « lumière au bout du tunnel » apparaît de nouveau le jeune garçon, qui invite une dernière fois Arthur à aller pêcher pour lui offrir la redemption attendue : ce n’est qu’après avoir renoué ce lien perdu avec l’enfance que l’outlaw de Wacky West pourra mourir tranquille.