Que reste-t-il aujourd’hui de Fellini ? L’intuition communément partagée que l’on sait tous ce qu’est le « fellinisme » ? C’est-à-dire, pêle-mêle : une esthétique de l’« hénaurme », le studio 5 de Cinecittà, un cinéaste mégalomane et mythomane, une parade de freaks, la musique de Nino Rota dans La Strada, les seins de la Saraghina (et les fesses de la Volpina), Anita Ekberg dans sa fontaine (et son latin lover de Mastroianni), le cirque, le music-hall et le cinéma… (et l’envers de tout ça), la nostalgie de l’enfance, une fresque de Romains décadents, la confusion entre le rêve et la réalité, l’imagination débordante, le fantasme triomphant. Et encore : la collision du sublime et du grotesque, la fusion du pathétique et du comique. Fellini, aujourd’hui, c’est donc : une série de clichés, avec, évidemment, leur part de vérité. Une suite d’instantanés, surtout, si tant est que les images inventées par le maestro ont tendance à se figer à jamais dans notre imaginaire. Rien de moins figé, pourtant, que ces images, toujours menacées dans la fragilité de leur apparition, dynamitées par les chocs d’un montage peu respectueux des conventions narratives, des images sans cesse en transit, en circulation d’un film à l’autre. Fellini parade, ses films, ses personnages paradent sans jamais s’arrêter, pris dans le tourbillon fantasmagorique des images. Arrêtons-nous pourtant un instant, le temps de mieux (re)voir cette « Grande Parade » : se laisser séduire, de nouveau, mais surtout reconsidérer tout ce que nous apporte encore un cinéaste qu’on a tendance à « immortaliser », à vénérer comme une grande figure… du passé. La « Grande Parade » se déploie de la Cinémathèque au musée du Jeu de Paume : du 21 octobre au 20 décembre, la Cinémathèque célèbre « Tutto Fellini » par une grande rétrospective (toute la filmographie fellinienne, mais aussi les films auxquels il a participé en tant que scénariste et ceux dont il est le sujet), des conférences, des tables rondes. Au Jeu de Paume, Sam Stourdzé expose l’univers fellinien, et fait résonner entre eux photographies, dessins, affiches et extraits de films. Et propose un « laboratoire Fellini », cycle de conférences dédiées au Maestro. Fellini, c’est la démesure ? Soit ! Alors ajoutons la parution d’un double DVD Fellini au travail, sept heures de films rares voire inédits. Et aussi, Caro Federico : la très riche programmation de l’Institut culturel italien, qui promet des rencontres et des spectacles étonnants. De là à ce que Paris se transforme en studio 5 de Cinecittà, on n’est pas si loin…