Michael Rowe voyage. On avait laissé le réalisateur australien à son intéressant premier long métrage, Année bissextile, tourné dans son pays d’adoption le Mexique et passé en 2010 à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes, où il avait reçu la Caméra d’or. Son troisième film, Early Winter, nous le fait retrouver au Québec, à l’affût des fêlures d’un couple anglophone. Du moins, s’agit-il surtout des fêlures du mari, David, dont on sent très tôt l’instabilité de la position auprès de sa femme et de leurs deux enfants. Cela ne tient pas seulement aux évidences (David travaille dans un hôpital, souvent de nuit, ce n’est pas facile pour la famille), mais à la façon qu’a le personnage de se trouver des refuges, à des expressions faciales ou à des positionnements dans le cadre (devant une caméra fixe et attentive) qui le mettent discrètement en retrait, à quelques phrases qui échappent en famille aux uns ou aux autres, comme s’il n’était pas exactement conforme à son rôle de mari et de père.
Délicatement, Rowe esquisse le portrait d’un étranger aux siens, d’un lien brisé sans qu’on discerne exactement la nature de la rupture : la séparation du couple aurait-elle déjà eu lieu et tenterait-il de recoller les morceaux ? une blessure intime l’aurait-elle handicapé dans son rapport à ses proches ? Même si quelques révélations scénaristiques viennent, un peu artificiellement, donner quelque sens au mystère David pour pousser le film vers le mélodrame (c’était déjà un écueil d’Année bissextile), cela ne suffit pas à occulter l’étrangeté fascinante que celui-ci sait conférer à cet individu, mal à l’aise dans le rôle que lui attribuent les apparences du mariage et de la famille. Ni à entacher l’intérêt pour ce couple dont on suit les palpitations comme des va-et-vient mesurés (le lien se détend, puis se retend…), sans même besoin de quelque progression dramatique.