Pietro Marcello et Alice Rohrwacher, qui coécrivent le documentaire Futura, se sont fait remarquer par des films en pellicule (16mm et Super 8), donnant à leurs récits documentaires (La Bocca del Lupo) et leurs fictions (Heureux comme Lazzaro, Martin Eden) une dimension mythique où résonnent des correspondances entre les époques. Ce travail sur l’historicité des images, jusque-là au service du récit, rencontre ici une limite : Futura s’apparente à un document d’archives tourné au présent, conçu pour « être regardé dans plusieurs décennies » comme l’annonce la voix-off.
Les cinéastes, accompagnés de Francesco Munzi, entreprennent un voyage dans l’Italie de 2020 pour prendre le pouls d’une génération, celle des 15-20 ans, et explorer avec eux leurs visions de l’avenir (le film consiste en une série d’entretiens). Les thèmes abordés sont très généraux (l’amour, le travail, l’argent, l’écologie et le choc des générations) et les propos assez attendus, entre inquiétude, naïveté et sentiment de révolte. Dans des décors dépouillés et difficiles à dater, leurs visages juvéniles sont filmés de manière emphatique, dans des cadres ressemblant aux (véritables) archives apparaissant à deux reprises dans le montage – des entretiens avec des enfants d’une époque révolue (probablement les années 1960). Si la réussite plastique de l’ensemble produit de beaux moments, un vrai problème se présente : perdus entre un passé fantasmé et un futur hypothétique, de quelle époque ces adolescents nous parlent-ils ? Parce qu’il oblitère le réel au profit du mythe, ce procédé se montre particulièrement inefficace à rendre compte du présent, comme le révèle l’apparition de la crise de la Covid au premier tiers du film. Venant (un peu) perturber le bon déroulement de ce petit exercice de style (dont le sujet est vite éludé), elle semble éloignée du spectateur, comme un morceau d’Histoire déjà clos.