Dans un festival où les films crapoteux font légion et où les supposées valeurs sûres dégringolent à la faveur d’une projection, She’s Funny That Way du revenant Peter Bogdanovich s’impose comme une agréable surprise, doublée d’une récréation idéale pour les festivaliers désireux d’échapper à la sinistrose des films à thèse. Joyeuse série de quiproquos et de coïncidences aussi fâcheuses que drolatiques, le film s’inscrit dans la tradition de la screwball comedy et de l’épure des films saisonniers qui ont fait le gros de la carrière de Woody Allen. Indéniablement, la chose est un tantinet datée, mais Bogdanovich joue ouvertement la carte de la patine rétro et le petit jeu des références tient davantage de l’expression très premier degré d’une cinéphilie réaffirmée plutôt que du recyclage cynique là pour faire connivence avec le spectateur. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de l’introduction du film, où une jeune actrice entame le récit idéalisé de ses débuts à Broadway à une journaliste un brin piquante (mais au fond guère acide) : She’s Funny That Way ne sera ni une peinture du monde du spectacle, ni un énième récit d’apprentissage réflexif décalqué sur All About Eve, mais une simple parenthèse d’une légèreté sincère.
Et qui meilleur ambassadeur de cette légèreté qu’Owen Wilson, à part peut-être Paul Rudd ? La présence de l’acteur, combinée à l’identité des producteurs (Wes Anderson et Noah Baumbach) est le signe d’une filiation au meilleur de la comédie américaine des années 2000, période pendant laquelle Bogdanovich s’est plutôt consacré au tournage de films télévisuels. Soulignons d’ailleurs l’intelligence de l’intégralité du casting, qui réserve quelques surprises dont la revenante Jennifer Aniston, brillante en psychanalyste névrotique – assurément son meilleur rôle à ce jour. Les multiples situations de vaudeville sont autant de terrains de jeu idéales pour cette excellente troupe d’acteurs que pour la mise en scène qui, bien que modeste, se révèle assez fine dans son rapport à l’espace où portes s’ouvrent et se referment tandis que chacun tente à sa manière de s’extirper de l’emprise souveraine du hasard. Plus encore que les citations à Cluny Brown (auquel le script emprunte le gimmick verbal principal du film), c’est dans cette facture classique que le film se révèle joliment traversé par une inspiration lubitschienne. On pourrait certes objecter quelques bémols (la structure du film est un peut-être un poil trop répétitive), mais ne boudons pas notre plaisir face à cette gourmandise bienvenue.