L’heure est à la réécriture des mythes. Au menu de Dark Skies : les extra-terrestres. Puisque l’affiche française souligne la présence de Jason Blum, producteur de Paranormal Activity et d’Insidious, il est permis de remarquer que, comme ces deux films et leurs succédanés éventuels, il s’agit avec Dark Skies plus de recyclage que de réécriture : recyclage de la « recette Poltergeist », agrémentée de colifichets plus ou moins convaincants. On est donc convaincus par une première partie tout à fait effrayante, beaucoup moins par la suite, lorsqu’il s’agit pour les artisans de ce nouveau remake dissimulé de faire preuve d’une personnalité originale.
Dans les années 1990, la série Dark Skies surfait, avec un certain succès, sur le phénomène X‑Files. Quels rapports officiels le film homonyme entretient-il avec cette courte série ? Mystère. Mais l’argument est très similaire : les extra-terrestres ont déjà débarqué sur Terre, et ils s’intéressent de près à des humains fort peu préparés à les combattre. Le traitement adopté par le film est celui, éprouvé, de la famille progressivement, individu après individu, convaincue par l’incroyable vérité. Ce fonctionnement narratif s’appuie donc sur la progression attendue du récit, où le principe de l’incompréhension sert de structure à la montée des tensions, avant de donner l’opportunité à la famille de s’unir contre l’adversité. Efficace, éprouvé donc, ce fonctionnement est celui de Poltergeist et de tous les films calqués sur l’opposition horreur/cellule familiale, celle-ci représentant dans la grande majorité des cas le dernier refuge face à l’innommable. Gentiment conservateur, ce propos est aussi efficace qu’il se révèle aujourd’hui sans enjeu réel – poser la cellule familiale comme la panacée est une vision simpliste et sans nuance. Cela a certainement fait illusion dans les décennies passées, mais il convient aujourd’hui de se poser d’autres questions, ce que refuse de faire le film. On peut noter, cependant, une intégration efficace des procédés développés dans Paranormal Activity et Insidious dans ces prémices effrayantes. C’est lorsque Dark Skies s’essaye à égratigner le vernis de la famille, à l’opposer à une société soupçonneuse et oppressante, que toute la mécanique narrative bien huilée à l’œuvre dans sa peinture de la famille se grippe : les menaces sociales (soupçons de maltraitance, ostracisme…) sont à peine effleurées, sans qu’il y soit apporté de résolution.
Mais le plus dur intervient lorsque, finalement, le voile est levé, et que les monstres entrent véritablement en jeu. Il est même très aisé de percevoir le moment où le soufflé retombe : mis en présence d’une sorte de Mulder fatigué, interprété par le savoureux J.K. Simmons, souvent « gueule » de second plan chez les Coen, les parents se voient révéler la terrible réalité – les extra-terrestres ne sont pas en train de nous envahir, en commençant par chez eux. Ils sont déjà là, et depuis longtemps – il ne s’agit pas de leur échapper, ou de faire éclater la vérité, juste de résister le plus longtemps possible, en espérant, contre toute attente, pouvoir s’en sortir le moins mal possible. Redoutable orientation narrative désespérée, cette idée fait finalement long feu, tandis que le rythme s’essouffle, et que le film se dirige vers une sorte de fantasme hypnotique rempli de lumière et de fantasmagories à peine effleurées, et qui se détache complètement de toute cohérence narrative : l’ambition du postulat de base est méthodiquement gâchée par une incapacité manifeste à exprimer les vertiges désirés, et à les intégrer dans une réalité tangible.
Pour autant, Dark Skies n’abandonne pas ses ambitions, comme en témoignent les derniers rebondissements, qui replongent dans le creuset horrifique efficace qui a vu naître l’impressionnante première partie. Savoir-faire et intelligence formelle sont donc au rendez-vous, au moins pour une part du film. Dommage que l’autre ne fasse preuve ni de talent, ni de rigueur.