Passé successivement par les festivals de Toronto et de Gérardmer, The Vigil n’y a laissé aucun souvenir et aurait sans doute déjà disparu des radars si Wild Bunch n’avait décidé de lui donner une dernière chance dans le désert estival post-Covid-19. Le pitch de ce premier film, produit par Jason Blum ? Yakov, ancien membre de la communauté juive orthodoxe de Brooklyn, accepte, en échange d’un peu d’argent, de veiller un mort le temps d’une nuit. Inutile d’aller plus loin pour savoir où The Vigil va nous mener : faisant d’une pierre deux coups, le film va d’abord orchestrer une montée en puissance parfaitement balisée autour du macchabée avant de soumettre son personnage principal à une thérapie de choc, le cadavre remuant étant évidemment une métaphore de ses propres démons.
Autant le dire tout de suite : si la thérapie a bien lieu, le choc demeure inexistant tout au long de cette laborieuse veillée funèbre qui capitalise sur des effets de style galvaudés, rappelant l’esthétique Blumhouse de l’époque des Paranormal Activity : tressaillements sous le linceul, hors-champ traversé de bruits étranges, surgissements soudains d’une figure dans le champ pour produire un jump scare ; on connaît trop ce type de rhétorique pour y trouver ne serait-ce qu’un divertissement. Keith Thomas a beau citer dans ses entretiens Kaïro de Kurosawa et avouer sa passion pour la J-Horror, son geste relève surtout de l’exécution industrielle, ce qui après tout ne serait pas un problème si le film, par ailleurs, ne détonnait à ce point dans le catalogue récent de la maison Blum. Depuis le succès phénoménal de Get Out (2017), celle-ci mise sur des contenus plus « politiques » ou sociétaux : Blackkklansman, American Nightmare 4, Invisible Man ou The Hunt ont suivi ce virage avec plus ou moins d’opportunisme, là où The Vigil se claquemure dans son dispositif (lieu unique, intrigue resserrée sur quelques heures) et ne regarde rien, pas même les failles de son personnage, esquissées dans un prologue rapide indiquant qu’il a de grandes difficultés à communiquer (avec les femmes, surtout) et n’est pas loin de ressembler, à vrai dire, à un parfait sociopathe. Jusque dans l’élaboration de ce vague profil psychologique (avec option trauma), le film se love dans la facilité et n’intéresse, en somme, qu’au deuxième ou troisième degré. En le tirant vers une lecture « méta », peut-être la seule qui puisse le rendre un tant soit peu intéressant, on pourrait dire que The Vigil dresse le portrait d’un producteur (Jason Blum) veillant sur le cadavre d’un film déjà bien refroidi, voué à disparaître pour toujours dans les oubliettes du cinéma, sans doute dès la fin de l’été.