On croyait Ridley Scott incapable de faire pire que le désastreux Kingdom of Heaven, et pourtant… Qu’il est loin le réalisateur d’Alien, Blade Runner et Gladiator dans cette écœurante comédie romantique 100% gnangnan, où Russell Crowe joue les Cary Grant de supermarché et Marion Cotillard les Amélie Poulain de province très profonde. L’image de la France aux États-Unis n’en sort pas grandie, mais c’est le cinéma grand public américain qui ramasse les pots cassés. Grands romantiques s’abstenir.
Ah, la France ! Sa Provence ensoleillée et verdoyante, ses paysages à la Van Gogh, ses vignes à perte de vue et son vin qui coule à flots ! Ses habitants paresseux et râleurs, un peu timbrés et limite idiots, mais hauts en couleur et si attachants ! Et surtout ses femmes, qui pédalent à bicyclette les jupes et les cheveux au vent, conduisent en 4L, n’hésitent pas à montrer leurs jolies cuisses bien fermes au tout-venant et attendent le prince charmant tout en se laissant gentiment tripoter ! Quelle vie rêvée pour tout Anglo-Saxon normal, stressé par une existence ultra-moderne et des activités hautement intellectuelles mais si peu riches en contact humain… Heureusement pour Max Skinner (Russell Crowe), le décès d’un oncle lui permettra de goûter aux délices de la dolce vita française, qui se résume, selon Ridley Scott, à une chanson d’Alizée, à la dégustation d’un bon vin dans le café du village, à des parties de tennis endiablées, et bien sûr, à l’amour avec un grand A d’une jolie serveuse pas trop exigeante (et bonne cuisinière). Inutile de dire que la subtilité d’un Vincente Minnelli avec son Américain à Paris est à jamais perdue.
Que Ridley Scott s’essaie à la comédie, soit. Était-il nécessaire d’être aussi bêtement respectueux de la plus banale d’entre elles ? Russell Crowe, donc, interprète un golden boy au succès fulgurant, admiré des uns et haï des autres, plein aux as, cynique et content de l’être. Mais, surprise : au fond de lui, Max n’est pas vraiment heureux. Intermède donc, avec une séquence spéciale « souvenirs d’enfance », où Max, les yeux dans le vague, se revoit enfant, jouant aux échecs avec son tonton et verse sa petite larme. Tout n’est pas encore joué, car Max doit encore se débarrasser de quelques manies détestables, où l’on inclut pêle-mêle dépendance au téléphone portable, mépris des autres et appât du gain. En deux heures chrono, Max, c’est sûr, va apprendre le véritable sens de la vie (heureusement, il a assez de millions pour prendre son temps), grâce à la sagesse incomparable du vigneron Didier Bourdon (assez crédible), à l’art de tuer les scorpions de la femme du vigneron (presque crédible), et aux jupettes volantes de Marion Cotillard (pas du tout crédible). Et Max de renoncer fissa à la vilaine ville londonienne pour goûter aux plaisirs si simples de la campagne française.
Pour être certain de rater totalement son film, Ridley Scott ne pouvait trouver meilleur adjuvant en la personne de Russell Crowe. Totalement incapable de faire rire simplement, le comédien se démène comme un beau diable, s’agitant dans tous les sens, criant et sautillant jusqu’à l’hystérie pour cacher l’indigence des dialogues et du scénario. Le film est à l’image de la scène où Max tente de conduire sa Smart rouge à travers un parking et finit par l’enfoncer dans un arbre : tournant en rond jusqu’au tournis pour aboutir dans une impasse, celle de la prévisibilité totale du mauvais film. Une chose est sûre : si l’année cinématographique commence ainsi, pas sûre qu’elle soit si grande que ça.