Alors que la blogosphère bruisse du dernier avatar du marronnier médiatique selon lequel notre belle jeunesse part à vau-l’eau à cause des jeux vidéo, Les Mondes de Ralph se présente comme un hommage appuyé et respectueux aux enfants de l’ère du jeu informatique. Un baume pour les geeks de tous âges ? Pas sûr. Uniquement préoccupé d’effleurer ses références – et par là-même de raffermir son emprise sur son public-cible –, Les Mondes de Ralph se révèle n’être avant tout qu’un gigantesque placement de produit – Coca-Cola a dû payer fort cher sa participation au film… – aux couleurs criardes. Beurk.
Aux dernières nouvelles, Disney est un ogre. L’acquisition récente – et très médiatisée – de Lucasfilm, faisant suite à celle de Pixar et de Marvel, laisse planer l’ombre des Oreilles-de-Mickey sur une large part du cinéma de divertissement. Et la souris semble bien déterminée à dissoudre l’originalité de ses appendices dans le creuset de l’univers tourné vers le passé dont font état ses productions récentes (La Princesse et la Grenouille, Raiponce). Aussi trouve-t-on au générique des Mondes de Ralph des noms bien connus, tels que celui de John Lasseter, attaché à de nombreux projets de Pixar.
Ce n’est pas le seul emprunt : Les Mondes de Ralph est, ainsi, une véritable machine à recycler. L’idée de départ – les personnages virtuels de la salle de jeux vidéo poursuivent leur existence dans leur monde à eux une fois les joueurs partis et les portes refermées – est directement empruntée aux Toy Stories, tandis que le tandem des personnages principaux – un gros bonhomme et une petite gamine – rappelle de façon troublante les Sulley et Boo de Monstres & Cie. Hors de question, cependant, de se laisser aller aux atermoiements mélancoliques de Woody et autres personnages de Toy Story : ici, Ralph-la-Casse apprendra qu’il a beau aspirer à devenir gentil, lui qu’on a programmé méchant, il n’aura nullement le droit de sortir de sa case. Les Mondes de Ralph place l’essentiel de son intrigue dans le monde du jeu « Sugar Rush », un monde sucré à l’excès dont la vision déclenchera à n’en pas douter des crises chez les spectateurs diabétiques. Chamarré, saturé de couleurs pétantes, l’univers de « Sugar Rush » tente de dissimuler, sous la profusion de tons, une pauvreté visuelle étonnante. Plus que la construction d’un univers, il semble avant tout s’agir de placer des personnages connus, et surtout, en lieu et place de personnages, dans le monde 100% confisé de « Sugar Rush », des marques de sucreries connues. La place royale revenant à Coca-Cola (Light, attention !) pour ce qui constitue un des placements de produits les plus brutaux jamais vus à l’écran.
Le prétexte permettant de mettre Coca-Cola en avant dans le climax du film peut être érigé en symbole de la légèreté avec laquelle le scénario est traité : tout n’est que prétexte. Prétexte à des citations clins d’œil destinées à s’assurer l’adhésion des geeks, prétexte à des courses-poursuites qui, comparativement, montrent à quel point il faudrait réévaluer à la hausse le dynamisme des séquences de voitures de Speed Racer, dynamisme ici cruellement absent, prétexte, enfin et surtout, à multiplier les placements de produits.
Clinquant et écœurant, Les Mondes de Ralph a tout de la boutique de sucrerie où l’on se sert soi-même : un choix de friandises fait pour plaire à tous, cher pour ce que c’est, qui colle aux dents et que l’on regrette juste après. Plus ennuyeux : le film estime suffisante son idée-procédé, sans jamais paraître s’y intéresser vraiment. À l’heure où le jeu vidéo offre, narrativement et visuellement, une alternative sérieuse au cinéma, Les Mondes de Ralph le considère d’une façon superficielle et condescendante – une attitude d’autant plus déplacée que la comparaison joue largement en sa défaveur…