Un écrivain emménage avec sa famille dans une maison où les précédents occupants ont été assassinés. Si le pitch n’est pas sans rappeler quelques classiques du cinéma horrifique, Scott Derrickson impose sa patte dans la première partie du métrage. Dommage que le tout soit rattrapé par un final qui redessine malhabilement toute la géographie angoissante du propos.
Un père de famille décide de s’installer dans une banale maison où ont été retrouvés pendus à un arbre du jardin les parents et deux de leurs trois enfants. En panne de succès, il espère y retrouver l’inspiration pour écrire un best-seller sur une série de crimes atroces qui ont décimé plusieurs familles sur quatre décennies. De bonne volonté, le(s) meurtrier(s) laisse(nt) à l’attention du romancier une série de vidéos Super 8 bien glauques où on voit les victimes terrorisées disparaître dans d’atroces circonstances (même la tondeuse à gazon se révèle être une arme redoutable !). Commence alors pour notre homme une investigation tortueuse entre mensonges, hallucinations et sursauts en règle qui va le conduire sur le chemin d’une vérité… malheureusement pas très excitante pour le spectateur à qui le programme initial a su habilement mettre l’eau à la bouche.
Comme dans la plupart des films d’horreur contemporains, les références sont évidemment nombreuses : du Voyeur de Michael Powell à Shining, sans oublier Massacre à la tronçonneuse pour son grain volontairement dégueulasse par endroits et son immersion chez les ploucs inquiétants de l’Amérique profonde, Sinister nous emmène en terrain connu. Cela n’empêche pas Scott Derrickson, qui n’en est pas à son coup d’essai, de faire preuve d’inventivité dans la mise en scène de ce petit jeu de massacre. Jouant sur le hors-champ (le tueur se soustrayant systématiquement à l’image et créant de fait une frustration assez stimulante), il parvient à de nombreuses reprises à orienter intelligemment le regard du spectateur, utilisant celui de son personnage principal en amorce de ces scènes qui vous feraient presque regretter d’avoir une famille. Au meilleur de lui-même, le film construit d’inquiétants ponts avec un passé qui s’obstine à vouloir communiquer avec le présent. Fil directeur, l’acteur Ethan Hawke incarne avec une subtile ambiguïté un père malmené dont l’égoïsme jette un trouble salvateur sur l’origine de ces drames.
Seulement, en dépit d’une réelle efficacité dans sa première heure, on sent bien le réalisateur tenté de parsemer des indices sur-signifiants pour accompagner le spectateur dans cette plongée en eaux troubles. Les questions que se pose l’écrivain dans son drôle de laboratoire sont autant de sous-titres qui annoncent une volonté de lever progressivement le voile sur une sordide réalité. Et la suite corrobore malheureusement les inquiétudes qu’on pouvait nourrir à la vue de cette famille dysfonctionnelle dessinée à gros traits psychologiques (le fils avec ses terreurs nocturnes comme un argument de plus pour faire sursauter, la fille qui dessine sur les murs de sa chambre). Dès que Scott Derrickson dévoile le mystère, il neutralise d’un coup un hors-champ qui faisait tout l’originalité et l’efficacité de son film. Du trouble, on bascule d’un coup dans une sorte de Grand-Guignol qui ne laisse plus vraiment de place à l’interprétation ni même au fantasme. Pour un spectateur de film d’horreur, il n’y a rien de pire que de le priver de son imagination. Surtout après avoir su l’allécher de la sorte.