Troisième et dernier volet d’une série d’articles sur quelques problèmes théoriques en lien avec le cinéma que pose le jeu vidéo. Cette fois-ci : la question de la chronologie et de l’élasticité du temps vidéoludique.
Au début du premier épisode de la série de jeux Life is Strange, un professeur de photographie livre une anecdote à ses élèves : « Alfred Hitchcock famously called film “little pieces of time”, but he could be talking about photography, and he likely was. » Après ce clin d’œil à destination du joueur-cinéphile, le personnage au centre de l’intrigue se voit doté d’un pouvoir lui octroyant la possibilité de remonter le temps à partir d’un point donné. Outre que cet outil constitue la mécanique centrale de la série (revenir dans le passé pour modifier un dialogue, choisir de prendre une autre voie, etc.), il pose également, au regard de la citation inaugurale d’Hitchcock, une question passionnante. En offrant la possibilité au joueur d’avoir une emprise sur le temps, le jeu vidéo réaliserait-il l’un des grands fantasmes du cinéma, à savoir celui de modifier la temporalité, pour n’être plus contraint de voir le passé disparaître de nouveau, à mesure qu’il resurgit à l’écran, photogramme après photogramme ? Vertigo d’Hitchcock, avec son détective nécrophile obsédé par le souvenir d’une défunte, nous éclairait notamment sur cette « insuffisance » du cinéma. Le vertige du film était moins spatial que temporel, le cinéma semblant ne pouvoir livrer qu’une trace du passé, et non le passé lui-même (sujet de la scène, fameuse, du séquoia millénaire). À l’inverse, Life is Strange consiste en une relecture dramatique d’un système ludique ayant fait les beaux jours du jeu d’arcade, à savoir le die & retry, où la mort et l’échec ne sont jamais une fin en soi mais le moyen paradoxal de revenir dans le passé pour mieux changer l’issue d’un événement, et par conséquent avancer. Tout le contraire de Vertigo, qui se termine comme il avait commencé : un vertige, une chute, la mort.
Héritier de la photographie, le cinéma relève de fait d’un temps post mortem (les images nous viennent, par la force des choses, d’un temps révolu). Mais pour reprendre les mots d’André Bazin, et compléter le postulat du professeur de photographie dans Life is Strange, le cinéma ne se contente pas seulement de « conserver l’objet enrobé dans son instant comme, dans l’ambre, le corps intact des insectes d’une ère révolue, il délivre l’art baroque de sa catalepsie convulsive. Pour la première fois, l’image des choses est aussi celle de leur durée et comme la momie du changement ». Qu’en est-il du jeu vidéo ? À la différence de son cousin écranique, le jeu vidéo délivre non pas un passé « remis en mouvement », mais un « présent modulaire », défini à l’avance (par le script, le code et le game design en général) et tourné vers un avenir incertain, toujours à moitié reconditionné par les aléas de l’interactivité (au gré des choix du joueur). C’est autrement dit le temps lui-même qui apparaît en mouvement. Instable et changeant, il est sans cesse retravaillé par la tension qui préside entre, d’un côté, la temporalité précalculée du récit et, de l’autre, la rythmique élastique du gameplay. De nombreux titres sont justement parvenus à entrecroiser différentes temporalités dans ce présent modulaire du jeu, à prendre en charge la nature dynamique et mobile du temps vidéoludique. L’occasion de rappeler, au fil de quelques exemples marquants, à quel point le jeu vidéo n’est jamais à un paradoxe près.
Marche puis crève
Dans Outer Wilds, le joueur endosse le rôle d’un astronaute piégé dans une boucle temporelle longue d’une vingtaine de minutes, à la fin de laquelle se déclenche une supernova le ramenant à son point de départ. Durant ce laps de temps, le joueur est invité à récolter des informations sur une mystérieuse civilisation, les Nomaï, passée par le petit système stellaire entourant la planète d’Âtrebois. Ingénieux à bien des égards, le jeu repose sur un véritable système d’horlogerie : la progression du joueur est en partie définie par la vitesse de rotation des astres et par des événements qui ne se déroulent qu’à un moment précis de la boucle. Dans une perspective analogue à celle de Life is Strange, Outer Wilds livre par là une relecture du die & retry, modèle ici porté sur le terrain de l’exploration spatiale. Plutôt que d’exécuter une même action encore et encore, il est question d’avancer dans un lieu pour y récupérer une information, avant de mourir puis d’avancer de nouveau, l’information récupérée avant l’issue de la boucle permettant d’aller à chaque fois un peu plus loin, à condition d’arriver toujours au bon endroit au bon moment. L’une des planètes que compte le jeu figure, par son level-design, cette idée centrale qu’avancer dans l’espace équivaut à avancer dans le temps, ce qui dans Outer Wilds implique de faire un pas de plus vers la fin d’un cycle. Il s’agit des Sablières, deux astres jumeaux qui forment, par le transfert gravitationnel d’une masse de sable d’une planète à l’autre, un sablier que l’on aurait tout juste retourné. Sur l’une des deux, le joueur est invité à explorer des cavités souterraines qui, à mesure que le temps passe, se remplissent de sable. Y pénétrer revient à prendre le risque de se retrouver bloqué, piégé par l’écoulement d’un temps matérialisé en une masse granuleuse qui s’accroît sans s’arrêter. L’adversité dans Outer Wilds, c’est le passage linéaire du temps lui-même, à la fin duquel le joueur finit systématiquement par perdre son avatar.
À l’âge du numérique, « le temps [est] devenu une image ou un paysage, que l’on peut regarder ou explorer ». D’où que, dans Outer Wilds, progresser dans l’espace revienne à avancer vers la fin des temps. Une relation entre déplacement et chronologie qui prend une toute autre dimension dans les jeux où, justement, le temps peut s’écouler plus ou moins vite en fonction des actions menées par le joueur. Une séquence de NieR : Automata, titre déjà évoqué dans ces colonnes pour sa mise en jeu d’une vision machinique et polymorphe, donne à voir la différence fondamentale qui préside entre d’un côté un écoulement imposé de la temporalité, et de l’autre un écoulement malléable du temps. Alors que le personnage principal, une androïde prénommée 2B, se retrouve contaminé par un virus informatique, le jeu nous demande de nous rendre d’un point A à un point B. Le long de son agonie, un pourcentage de plus en plus élevé indique le niveau de contamination de l’androïde, de sorte que les capacités motrices de 2B se désagrègent petit à petit en fonction 1) du temps écoulé, et 2) de notre progression jusqu’au point d’arrivée. La finitude de 2B nous est donc doublement imposée, par le temps et par l’espace. Rien ne semble pouvoir empêcher sa mort. S’arrêter, c’est prendre le risque que le virus s’aggrave et nous empêche définitivement de progresser. Avancer, c’est amener 2B vers sa tombe, avec un script précalculé qui fait qu’à chaque étape du trajet la contamination s’amplifie de façon irréversible. Une fois arrivée à la fin du parcours de 2B, et après une rapide cinématique, le jeu nous donne toutefois le contrôle d’un autre androïde, 9S, posté non loin de là sur le toit d’un immeuble. Tragédie du montage parallèle : si l’on devine le destin inéluctable de 2B, le jeu nous donne le contrôle d’un avatar quant à lui en pleine possession de ses moyens, amené à se rendre à l’endroit où gît sa partenaire. Mais à la différence du précédent trajet, aucune menace directe ne nous contraint cette fois à avancer dans l’espace – hormis l’éventualité, pour le moins inespérée, de sauver l’avatar que l’on a majoritairement incarné au fil de l’aventure. Libre alors au joueur de s’arrêter en chemin, pour retarder l’échéance et maintenir quelque part 2B en vie, dans l’incertitude du hors-champ. Option évidemment vaine (9S ne pourra rien faire, et sera le témoin tragique du décès de sa partenaire dans une cinématique) mais qui témoigne d’un jeu à la temporalité dynamique, fluctuant entre des phases de navigation libre, où le passage du temps peut s’arrêter en même temps que le déplacement de l’avatar, et des scènes hantées par la fatalité du script, dans lesquelles « le temps détruit tout ce qu’il crée, et [où] la fin de toute séquence temporelle est, pour l’entité qui y est impliquée, la mort, sous une forme ou une autre ». Une hantise qui trouve dans NieR : Automata une sorte de mantra, répété tout au long du jeu par des personnages conscients de ne pas tout à fait être aux commandes de leur tragique destinée : « It always ends like this. »
Vade retro
Comment contrebalancer cette force qui nous pousserait irrémédiablement vers un avenir nimbé de finitude ? Comment accueillir l’avant au cours du jeu, et non pas revenir littéralement en arrière, comme dans les manipulations temporelles de Life is Strange ? La nuance est importante, car elle implique de considérer le passé dans son caractère irrévocable, au fil d’une progression qui continuerait tout de même de se déployer au présent. Pour intégrer ainsi le passé au sein d’une trajectoire ludique menée au présent, le jeu vidéo en appelle souvent à des médiums qui lui sont, justement, antérieurs. Différents recours dont on pourrait dresser un rapide inventaire, pour donner un aperçu des nombreuses solutions qui s’offrent à cet art profondément hybride, à la croisée des formes et des temporalités.
1) Littérature.
La littérature est, dans le champ du jeu vidéo, un moyen de prédilection pour évoquer une temporalité précédant celle du processus ludique. Dans le genre du walking simulator, elle joue notamment un rôle fondamental. L’un des titres les plus emblématiques de ce courant né au début des années 2010, Gone Home, consiste en l’exploration d’une maison de famille vidée de ses occupants, où s’amoncellent, parmi d’autres artefacts, des ouvrages et autres notes que le joueur peut lire et examiner. Le principe du jeu consiste à reconstituer un récit familial par la découverte de ces indices (et, accessoirement, par la récupération de clés dissimulées dans la maison, permettant d’ouvrir des pièces de prime abord inaccessibles). Un système minimaliste qui exhibe la particularité de ce genre vidéoludique où le présent apparaît comme momifié, hanté par l’évocation d’instants révolus. Le joueur y est toujours en retard, et avancer dans l’espace revient cette fois, non pas à s’acheminer vers la tombe, mais à reconstituer un passé fragmenté.
2) Photographie.
Dans une perspective analogue à l’écriture, la photographie offre la possibilité d’accéder à un temps révolu, à la différence cette fois que la trace est non plus écrite, mais visuelle. Au-delà des nombreux exemples, assez évidents, de photos de famille et autres images à glaner dans des jeux en tous genres pour enrichir l’histoire des personnages, un titre comme The Legend of Zelda : Breath of the Wild fait un usage assez étonnant du pont vers le passé qu’offre le recours à la photographie. En l’occurrence, il ne s’agit pas de collecter simplement des photos qui seraient disséminées sur la carte, mais de retrouver les lieux correspondant à une dizaine de clichés, livrés au moment où Link se voit confier un appareil lui permettant de photographier son environnement. Il convient alors de mener une sorte d’archéologie optique, en s’aidant des indices visibles sur les images pour en retrouver le point d’origine, sachant que les photos sont particulièrement vieilles et que les lieux ont possiblement évolué. C’est l’une des belles idées de cet outil un peu improbable à l’échelle d’un jeu qui semblait pourtant dénué de ce genre de gadgets : pour reconstituer (souvent dans le désordre) les souvenirs de Link et déclencher des cinématiques qui viendraient éclairer (relativement) l’intrigue, il convient de se mettre en marche, de se déplacer dans l’espace tout en mesurant, une fois arrivé à l’endroit où a été prise une photographie, les ravages plus ou moins notables du temps sur le décor. Se déplacer dans l’espace permet en d’autres termes de se déplacer dans le temps, de libérer le présent du jeu pour l’ouvrir aux limbes d’une mémoire à reformer pas à pas.
3) Cinéma.
On ne saurait aussi exclure de cet inventaire le cas évident des cinématiques de jeu vidéo, issues du cinéma en ce qu’elles prennent la forme d’un défilement continu d’images préenregistrées. Leur temporalité reste évidemment distincte du temps du gameplay, puisque les images s’affichent sans que le joueur ait son mot à dire. Mais elles permettent, pour cette même raison, de convoquer un temps passé, afin de donner une certaine ampleur historique, voire une envergure épique et prophétique, aux événements directement modifiables par le joueur (qui n’auraient pas du tout le même sens sans les cinématiques qui les précèdent). Mentionnons à cet égard les cinématiques des jeux et des extensions de World of Warcraft, qui servent d’une part à présenter prosaïquement le contenu du jeu (par exemple un combat entre deux factions pour le jeu original), et d’autre part à raconter ce qui précède l’entrée du joueur dans le monde en ligne de la série (cas exemplaire : la cinématique de Warlords of Draenor, extension dont l’intrigue se fonde sur un voyage dans le temps, commence par un carton indiquant « 35 years ago »). Un tel recours au cinéma sert ainsi de prologue à une activité ludique qui se voit orientée, pour ne pas dire façonnée, par des images en provenance du passé.
4) Muséographie.
C’est un exemple à première vue un peu lointain, mais plus déterminant qu’on ne le croit : la muséographie pourrait intervenir, dans le jeu vidéo, comme une modalité de mise en scène qui consiste à exposer différents artefacts dans l’espace afin de proposer un trajet propice à la rétrospection. Il y a par exemple l’étrange maison de What Remains of Edith Finch, sorte de mausolée baroque et foutraque où s’entassent les traumatismes familiaux liés à une malédiction héréditaire, que le parcours du jeu nous invite à rejouer. Il y aussi, plus explicitement, la visite muséale dans une séquence de Life is Strange. Juste avant le choix final qui prend place devant le cyclone menaçant la bourgade d’Arcadia Bay, le personnage principal, Max, se remémore lors d’un rêve l’ensemble des moments passés avec sa partenaire Chloe. Au fil d’une étrange vision, elle découvre une série de sculptures exposées et éclairées comme des statues de cire dans un musée. Idée assez géniale, puisqu’elle vient au fond « spatialiser » le temps passé en jeu et représenter, à travers un parcours muséal, la ligne plus ou moins sinueuse tracée par les choix d’un joueur ayant participé à échafauder le récit. C’est une autre façon de remonter le temps, qui ne s’opère pas comme pour le reste du jeu par un rembobinage mécanique, mais par un déplacement vers l’avant donnant à voir, alors que l’aventure touche à sa fin, des souvenirs désormais inaltérables, comme des blocs de mémoire gravés dans le marbre.
5) Holographie.
Dernier médium que l’on pourrait évoquer, l’holographie s’impose, doucement mais sûrement, comme une manière de plus en plus privilégiée pour figurer des tranches de passé dans un jeu vidéo, à mesure que les capacités techniques des machines permettent de modéliser, avec précision, des particules de lumière. C’est du moins ce que l’on observe depuis quelques années, dans un large éventail de jeux qui n’ont pas grand chose à voir entre eux. Dans l’élégiaque Everybody’s Gone to the Rapture, walking simulator minimaliste, le joueur explore un village désert où seuls déambulent de petits orbes lumineux, au contact desquels se déclenchent des séquences scriptées, la diffusion volumétrique de la lumière ouvrant sur des flashbacks interactifs (l’holographie ayant cette particularité de se propager en trois dimensions, le joueur peut, à ces moments, se déplacer autour des silhouettes lumineuses émergeant du passé). À l’autre bout du champ vidéoludique, du côté des superproductions, Horizon : Zero Dawn éclaire les contours post-apocalyptiques de son univers à mesure que le joueur met la main sur des archives holographiques, dont la lecture n’interrompt pas le déroulement habituel de la partie. L’occasion de figurer des fragments arrachés au passé sans pour autant interrompre le jeu au présent, dans des scénographies spectrales où cohabitent deux temporalités distinctes dans un même espace.
Le temps scellé
Après avoir vu dans quelle mesure le jeu vidéo considère la finitude à venir et l’irrévocabilité d’un temps révolu, une question reste en suspens : comment arrêter le temps ? Comment jouer et investir cette stase, dernière phase de la malléabilité temporelle, sans pour autant se réduire à mettre le jeu en pause, en appuyant sur le bouton « Start » ou en posant la manette, comme on le ferait pour retarder la mort de 2B dans NieR : Automata ? Un jeu en particulier explore cette piste de la suspension temporelle – piste assez peu praticable, en ce qu’elle implique d’aller à l’encontre du caractère dynamique d’une chronologie vidéoludique qui garde, quelles que soient les fluctuations précédemment évoquées, une relation privilégiée au voyage, au mouvement et au déplacement (en avant ou en arrière). Dans Final Fantasy XV, épisode peu apprécié de la célèbre série de JRPG, le joueur incarne Noctis, un jeune prince qui se lance, au début du jeu, dans un road-trip avec trois de ses amis en direction de la cité où l’attend sa promise, Lunafreya. Le groupe commence par faire avancer une voiture en panne dans un décor à mi-chemin entre les mondes fantasmagoriques imaginés par Hironobu Sakaguchi (le créateur de la série) et un désert en Arizona. Un mélange déroutant à l’image d’un jeu qui l’est tout autant et qui ne cesse, quelque part, de se dérober à la grande fresque épique qu’il semble promettre au détour de ses cinématiques, dans lesquelles on apprend que le royaume du Lucis a été attaqué, et que Noctis est donc appelé à récupérer son trône. Les décors touristiques du jeu, de même que les premières quêtes qui nous sont proposées, font alors office d’une diversion de grande ampleur. Visiter les grandes vallées couleur ocre qui s’offrent au regard du petit groupe d’amis revient à suspendre le temps, à refuser de prendre le train de l’histoire pour vagabonder, errer sans but et apprécier une aventure délibérément anecdotique où rien ne semble évoluer, le jeu nous permettant même de pique-niquer au clair de lune, quand il ne s’agit pas de parfaire ses talents de chef cuisinier, de photographe ou de maître pêcheur. Parce qu’on ne peut de prime abord pas l’éviter, cette escapade en deviendrait presque indécente : alors que des innocents périssent sous les balles et les bombardements, quatre amis s’amusent à confectionner des brochettes et à prendre des selfies dans un paradis artificiel, en marge de la grande Histoire qui continue de s’écrire dans les régions alentours. La décapotable luxueuse dans laquelle le groupe passe son temps, la Regalia, pourrait elle-aussi être considérée, d’un point de vue strictement opérationnel, comme une aberration ludique. Lente et peu maniable, elle ne peut surtout pas rouler hors de la route. Impossible de couper à travers champ pour aller plus vite, comme nous l’avons pourtant appris après des années de jeux en monde ouvert. C’est qu’il s’agit ici d’embrasser, dans un premier temps du moins, les détours que nous impose le tracé sinueux des routes, pour regarder le paysage et voir le temps s’écouler sans vraiment passer, la chronologie venant à se figer, paradoxalement, au fil d’une progression dans l’espace.
Il faudra attendre, dans le dernier tiers du jeu, une incroyable séquence de train qui confirmera la position d’un prince passif, ici pris au piège d’un arrêt du flux temporel, pour saisir ce qui se joue souterrainement dans ce drôle de jeu qu’est Final Fantasy XV, à savoir l’épreuve d’un déplacement inertiel, le long duquel le temps peut rester suspendu en dépit du mouvement immuable de l’histoire. C’est en somme l’une des expériences que nous propose de vivre le jeu vidéo : celle d’évoluer dans une temporalité qui se déploie à la fois ici, maintenant et au-delà, nous ouvrant de concert à « la circonstance et à tout ce qu’elle suggère d’éternel ».