Si Wim Wenders a pu critiquer le fait que les images d’Easy Rider ont été montées et organisées sur la musique (et non l’inverse), il a surtout permis de relever que le road-movie de Dennis Hopper a marqué une scission importante entre la manière dont on envisageait alors la musique de film et celle plus moderne, généralisée, dont on conçoit aujourd’hui une bande originale de cinéma. Que serait une traversée des grands espaces sans le « Born to Be Wild » de Steppenwolf, l’entrée au ralenti de Robert De Niro dans Mean Streets sans le riff de « Jumpin’ Jack Flash », la chorégraphie des hélicoptères d’Apocalypse Now sans la « Chevauchée des Walkyries » de Wagner ? La liste est longue et pourrait s’étendre à l’infini. Et si la musique est souvent utilisée aujourd’hui comme un dynamisme apporté à la dramaturgie, un ressort souvent automatique voué à masquer les failles mécaniques du récit, peu de cinéastes parviennent à encore l’utiliser de manière singulière et en faire un élément moteur de la manière dont ils conçoivent leur rapport à l’image, au rythme, au montage. Le réalisateur américain Wes Anderson fait partie de ceux-là et semble même envisager la musique comme partie intégrante, essentielle, de ses histoires, de son cinéma.
Notes sur la musique chez certains réalisateurs américains
Il est clair que la génération du Nouvel Hollywood (Coppola, Scorsese, Altman, Cimino) s’est quelque part transformée, ou du moins à trouvé de nombreux échos au travers du mouvement bien plus disparate des réalisateurs du cinéma indépendant américain apparu au début des années 1980. Or, et pour le sujet qui nous intéresse, la musique qui résonnait et retentit encore dans les films des années 1970 a comme qui dirait été reprise, remise au goût du jour par ces jeunes cinéastes admirant la liberté artistique de leurs aînés et définitivement sceptiques quant à une création au sein des studios. L’idée tient donc à ce qu’il y ait lieu commun, partage de références et passerelle entre ces deux générations de cinéastes. L’explosion dans les années 1960 de la contre-culture et de la musique pop qu’a vécu les cinéastes du Nouvel Hollywood se figure en un lieu utopique, un terrain idéal (et donc musée imaginaire) pour les réalisateurs indépendants. À travers ce prisme de la musique, ceux qui nous intéressent et dévoilent de profondes accointances avec leurs pères, se nomment Jim Jarmusch, Quentin Tarantino, David Lynch, Gus Van Sant et Wes Anderson.
L’idée peut paraître étrange et en apparence anecdotique mais les personnages qui traversent les films de ces réalisateurs ont tous une propension à écouter, discuter et sont même parfois susceptibles de danser sur de la musique. Au-delà de cette écoute et participation des personnages à la musique, il est remarquable qu’un travail de mise en scène soit aussi sculpté et organisé en fonction des tempos et des variations de la musique. Jarmusch affirme être avant tout inspiré par les voyages musicaux et son cinéma rythmique et contemplatif s’accorde et se mesure toujours à de lancinants échos de guitare (Dead Man) ou des palpitations hip-hop sur plan attrapé au vol (Ghost Dog – La Voie du samouraï). Tarantino aime pasticher et fonde tout son cinéma sur une quête de jouissance qui se matérialise souvent en une alliance de prise de vue, mouvements d’acteurs et rythmes syncopés (voir Boulevard de la mort et savoir aussi que, chez Tarantino, les acteurs jouent toujours en et avec la musique). David Lynch et Gus Van Sant sont quant à eux des cas plus à part. Le cinéma de Lynch porte l’expérimentation à un degré tel qu’au-delà de l’utilisation de titres puisés dans les Fifties ou l’emploi de singles « dérangés » (ouverture de Lost Highway), ce qui marque restent les souffles des voix, les effets parasitaires et ce balancement sonore où se heurtent vacarme et accalmie. Gus Van Sant pourrait être une sorte de réplique inversée de Lynch tant son œuvre est travaillée par la douceur des motifs musicaux. Mais avec sa tétralogie expérimentale et surtout Last Days et Paranoid Park, on a pu entendre des structures sonores plus complexes, souvent concrètes et dont l’écho se mesure aux variations plastiques de ce geste expérimentale que l’on pourrait presque qualifier de «work in progress». Enfin la petite forme du cinéma de Wes Anderson implique un travail rythmique qui, de la pose (et sa radicalisation par le ralenti) à l’emballement fragile de brèves séries de plans, est calculé selon un riche réseau de citations et à l’évidence choyé par une conscience érudite de la référence musicale.
L’univers Wes Anderson
Wes Anderson pourrait se définir comme un esthète pop, un frêle dandy qui a bâti son univers autour d’inlassables préoccupations et d’innombrables citations fétichisées. Le monde qu’il a construit depuis son imagination d’éternel adolescent est celui fragile et artificiel de celui qui se voit en dehors, ou du moins en retrait, d’une certaine réalité. Mais comme le souligne Marcos Uzal dans son article Wes Anderson, la politesse du désespoir paru dans la revue Traffic 68 : « Comme ses personnages, il construit un monde s’accordant à ses désirs, et ne peut qu’agacer ceux qui croient en l’existence d’un seul monde, parfois vulgairement appelé “réalité”, voire “réel”. » Ne cachant rien du simulacre d’univers qu’il construit, Wes Anderson a échafaudé un monde idéal, alternatif, qui repose avant tout sur le jeu et une aventure dont on fixe les règles au préalable. De son premier film méconnu Bottle Rocket à Fantastic Mr Fox («Fantastique Maître Renard»), ce réalisateur choyé par les studios embrasse une vie utopique située en marge du monde responsable et la traite sur le mode poétique de la légèreté et d’un burlesque à double niveau. La frontalité et la littéralité de ce cinéma affiche et revendique donc la surface d’un monde animé de couleurs primaires, de mélodies sucrées et imaginé selon une perspective de fuite, de dérogation à la pesante gravité des choses.
Et pourtant cet univers rêvé, balisé par des échelles qui disent la fragilité du cadre où toutes ces libéralités reposent, est habité par des personnages déterminés par des échecs palpables, des deuils qui semblent prêts à les déborder et les faire chuter à chaque instant. Rêveurs autoritaires, enfants inadaptés au monde responsable des adultes, les personnages qui reposent à l’intérieur de ces cadrages ornés d’objets et tapissées de toiles, se caractérisent par un désir de jeu et une apathie mélancolique. Les trois jeunes adultes de Bottle Rocket imaginent les scénarios les plus délirants pour ressentir le frisson du gangster. Le cancre surdoué Max Fischer collectionne les activités extrascolaires et semble mué par un désir compulsif d’action et de reconnaissance (Rushmore). Avant d’être un père endeuillé qui fait vivre l’enfer à ses jumeaux, Ben Stiller campait un jeune cadre sur-actif déterminé à prospérer dans les affaires (La Famille Tenenbaum). Le chef de l’équipage du Belafonte, Steve Zissou, est un monstre d’ego partagé entre une amertume palpable et un rêve enfantin de se mettre en scène au cœur des fonds marins. Le personnage qu’interprète Owen Wilson dans À bord du Darjeeling Limited se mesure quant à lui à son penchant paternaliste de reconstruire un monde et élaborer des plans et autres tracés afin de souder ce qui reste d’une fratrie délitée. Enfin, Maître Fox est foncièrement incapable de rester figé, de ne pas aller voler les poules de ses voisins et d’adopter donc une vie normée.
Si les personnages de Wes Anderson sont donc animés par un mouvement de fuite en avant, un besoin maniaque de maitrise, toutes ces trajectoires sont avant tout subordonnées à une volonté d’échapper à l’apathie et à ce retour inexorable à la douleur qui semble les guetter. Et si la case comédie résonne étrangement au contact du cinéma de Wes Anderson, il ne fait plus de doute que c’est par cet incessant balancement entre des phases d’enthousiasme léger et la propension qu’ont ces rêveurs à souffrir d’un mal-être palpable. Il faut donc voir dans les scènes fantasmées où chaque groupe se libère, une espèce de baume, de consolation au passé difficile, endeuillé, qui relient les personnages andersonien à une douleur plus secrète. Et c’est bien de cela dont il est question quand par exemple la voix qui narre le roman de La Famille Tenenbaum annonce que « Toute trace de génie des jeunes Tenenbaum avait été effacé par deux décennies de trahison, d’échec et de désastre. ». Si la réduction des tailles et des échelles de plan est toujours à l’œuvre dans le cinéma de Wes Anderson, c’est que les rêveries enfantines des personnages deviennent nécessairement problématiques lorsqu’elles doivent s’accorder au monde des adultes. Les peines enfouies et les sédiments du passé invitent alors à suivre un univers déséquilibré, où la volonté de refuge, d’écart, s’affiche comme une bulle dont la fragile paroi peut à tout moment exploser et être débordée par une grave mélancolie.
Découle alors de cet univers, un système andersonien qui, traversé de motifs et de mouvements récurrents, implique la recréation d’un ensemble toujours pluriel et souvent désolidarisé. Le personnage affiche une forte personnalité dont la position de retrait nous est donnée à voir par une constellation d’objets et de musiques nostalgiques littéralement mises en scène. Son repli dans un univers ouaté restant l’image d’un monde dans lequel on s’accroche, on se love, pour rêver l’utopie et ne pas sombrer dans les affres d’une dépossession de soi.
La mélodie du bonheur
Certains ont pu reprocher l’artificialité de l’univers de Wes Anderson et émettre de sérieux doutes quant à son utilisation massive de la musique ainsi que l’effet clipesque qui en résulterait à l’image. Or, ces citations doivent être comprises comme faisant partie intégrante de l’univers qu’habitent les personnages de ses films. Fortement inspiré par la musique pop des années 1960/70, Wes Anderson lui-même ne fait que décliner et déplier les sonorités d’un monde qu’il ne connait pas et ne peut donc que fantasmer sur le mode du paradis perdu. L’impossibilité de cadrer et dater l’espace-temps dans lequel s’inscrivent ces histoires, participe une fois encore à cet élan de fuite et à la création d’un ailleurs indiscernable. L’ouverture théâtrale de La Famille Tenenbaum et les régions alternatives, quasi irréelles, de ces autres films impliquent donc la permanence d’un univers suspendu et dégagé de tout horizon identifiable.
La musique orchestrale et bricolée de son fidèle compositeur Mothersbaugh s’harmonise manifestement à ce goût pour la création d’aventures jouées sur une partition mineure. D’abord connu pour être à la tête de la musique roborative et synthétique du groupe Devo, Mark Mothersbaugh confie dans les bonus DVD de La Vie aquatique s’inspirer des synthétiseurs et des boites à rythmes du groupe punk new-yorkais Suicide. Sa collaboration avec Wes Anderson s’est nouée autour de trois films (Rushmore, La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique) qui pourraient bien être ses œuvres les plus accomplis. Des rideaux qui se tirent, des romans familiaux qui s’ouvrent, la musique symphonique de Mothersbaugh les accompagne toujours et a permis d’accentuer la teinte féérique qui paramètre les histoires d’Anderson. Et si l’inextricable balancier entre légèreté et mélancolie est la marque du cinéma de Wes Anderson, les partitions composées pour ces trois films semblent lui répondre. La chronique lycéenne de Max Fischer dans Rushmore se joue sur une partition théâtrale et s’harmonise bien au sérieux qui contamine l’élan de son protagoniste. La Famille Tenenbaum s’accompagne d’une musique sophistiquée dont les accents graves répondent constamment au luxe bourgeois dans lequel cette dynastie brisée a vécu. Enfin, la musique symphonique, ample et pompeuse de La Vie aquatique semble manifestement coller à l’expédition océanique que conduit le très mégalomaniaque Steve Zissou.
Truffées de références, légères et discrètes, les orchestrations de Mothersbaugh creusent toujours la dimension cérémoniale qui englobe les fresques miniatures des comédies d’Anderson. Les vents légers, les boucles de clavecin et les notes de synthétiseurs obsolètes touchent à une légère fantaisie mais en appellent toujours aux vestiges d’un passé frappé par la nostalgie. Mais c’est à l’inverse de ces brèves cellules harmoniques que l’utilisation de morceaux échappés de la discothèque d’Anderson va offrir une portée nouvelle à l’atmosphère et aux enjeux de son cinéma.
Le large éventail dans lequel pioche Anderson pour ses bandes originales doit être entendu comme un sous-texte aux états que traversent les personnages de ces films. Les morceaux de musique sont utilisés comme forme de ponctuation, de chapitres qui se tournent, de courts apartés propres à des segments narratifs particuliers à l’écriture d’Anderson. Les variations de tempo et les parenthèses légères qui composent le récit andersonien reposent donc elles aussi sur une variable entre activité compulsive, besoin d’agir des personnages et son versant opposé qui est le retour à la suspension, à la mélancolie passagère.
On trouve des exemples de cette première au début de Rushmore où pour nous présenter l’enthousiasme de Max Fisher pour les activités extrascolaires, les riffs et le texte (Tellin’lies/Closing your eyes/ Making more excuses) de la chanson « Making Time » du groupe anglais The Creation s’accordent à une courte série de plans (presque) photographiés et syncopés. Cette approche originale de la narration parcourt tous les films de Wes Anderson et apporte une force légère à ses procédés rythmiques de montage. La noire mélancolie de Margot Tenenbaum (Gwyneth Paltrow) nous sera montré sous un jour nouveau lorsque le bourdonnement dépouillé des Ramones (« Judy is the punk ») dévoile le passé d’une « punkette » débauchée et enlaçant un éventail coloré de garçons. Il est intéressant de voir comment ces apartés participent d’un soulèvement de la dimension statique du filmage d’Anderson et que ces extraits de musique restent placés sous l’ombrage d’un passé que l’écho de la musique permet de colorer et de souligner comme un idéal révolu. Car tous ces moments de bonheur, de souvenirs heureux, ne font plus partie du présent de l’histoire et rappellent combien l’âge adulte dégage des soupçons de tristesse que les inexpressifs visages des personnages portent parfaitement. Car ces parenthèses narratives qui s’ouvrent sur le passé des personnages s’affichent autrement plus amères lorsque la déception réapparaît et que la mélancolie reprend le dessus.
Il en va ainsi de Max Fisher (Jason Schwartzman) dans Rushmore qui, abandonné de tous, frappé par la solitude retourne chez son père sur la balade romantique des Rolling Stones « I’m Waiting ». Mouvements lents du personnage puis une position de repli dépressif marquent un personnage défait de son énergie passé et rêvant d’ailleurs féminin (Oh we we’re waiting/ all year, all year/ Waiting for someone to come out of somewhere). Le tennisman raté interprété par Luke Wilson dans La Famille Tenenbaum montrera un autre visage et se dévoilera lorsque se fera entendre la voix fragile et écorchée d’Elliott Smith sur « Needle in the Hay ». Le jeune homme amoureux de sa demi-sœur Margot, revenu d’une existence qu’il a fui sur les océans, se coupe les cheveux aux ciseaux, se rase la barbe pour finalement se taillader les veines dans une scène poignante et filmée comme reflet d’un miroir. Principe de mise à nu découpé de la même manière que la séquence de Max Fischer, la musique du suicidé Elliott Smith résonne plus sensiblement aujourd’hui à travers cette scène où la mélancolie diffuse du personnage andersonien se transforme ici en vertige dépressif. Enfin, dans La Vie aquatique, au moment où le capitaine Steve Zissou (Bill Murray) apprend la mort de son ex-femme et l’existence de son fils, la musique de David Bowie qui se joint à un travelling latéral participe à teinter la séquence d’une tristesse palpable. Du visage de clown triste pris de secousses, la caméra suivra son corps raide s’éloigner sur le pont jusqu’à l’avant du bateau sur le chant précieux et tragique du «~Life on Mars~» de David Bowie. Face à l’océan, la pose de Bill Murray semble le noyer sous des flots de mélancolie et la cigarette qu’il allume dans un mouvement gelé, ralenti, dégage des vapeurs tragiques. Mais la force du récit de La Vie Aquatique se joue aussi à travers les réinterprétations musicales par le brésilien Seu Jorge des chansons de David Bowie. Figure décentrée, reléguée aux extrémités de l’espace et de l’histoire, Seu Jorge adopte la position d’un chœur antique qui viendrait ponctuer et redistribuer musicalement la couleur des scènes et des états passagers des personnages. Outre qu’elles sont travaillées par un sous texte lié à un état chrysalide, les reprises de Bowie (et plus particulièrement de l’album «The Rise and Fall of Ziggy Stardust») chantées en brésilien participent à offrir musicalement ce qui tient de l’indicible émotion et d’un langage secrètement enfoui.
Ralenti musical
L’utilisation du ralenti impose un parti pris de choix qui donne à ses figures une profondeur que l’ironie légère et cruelle des dialogues laisse en surface. Mélancolie furtive, grâce d’un geste, aura d’un regard échangé, Wes Anderson y retient le temps d’un bref instant, des mouvements qu’il transforme en moments privilégiés. La plupart du temps coordonné à des adieux ou des retrouvailles, l’emploi du ralenti met donc l’accent sur une note singulière, un instant furtif qui a trait à l’ensemble de la vie du ou des personnages. Défini comme une dilatation du temps à l’image, le ralenti de Wes Anderson relie et en appelle toujours au passé et au futur des personnages. Accompagné par la musique, son emploi semble prendre en charge tout le poids des existences douloureuses des personnages et diffuser un parfum d’abandon mélancolique.
La valeur singulière accordée au regard lancé derrière lui par Luke Wilson à ses amis et frères dans la cour de prison lors du plan final de Bottle Rocket, celui, heureux, de Max Fischer relevé par le « Oh la la » des Faces à la fin de Rushmore, le ralentissement d’un coup de foudre entre deux enfants Tenenbaum suggéré par la voix profonde et grave de Nico (« These days »)… Wes Anderson a le don de faire vibrer la destinée de ces personnages en y creusant l’écho d’une musique à la charge émotionnelle manifeste. L’utilisation du ralenti ne permet donc pas seulement de fétichiser un geste, un regard, il offre à voir comment ces adultes au destin souvent brisé sont retenus par le fil ténu d’une existence identifiée à celle d’enfants aux corps toujours frêles.
Appendice
Toujours encadrés dans des bulle-univers dont les détails et la musique qui les soulignent disent déjà presque tout, les êtres qui traversent les films de Wes Anderson pourraient tout aussi s’y trouver réfugiés que prisonniers. Filmés de face dans ces mondes habillés et délicats, ils forment, à la manière de la variété de chants et de voix qui les embaument, un échantillon unique de notes aussi singulières que f(am)iliales. De la présence et du poids de la famille qui s’imprime partout dans l’univers d’Anderson, la filmographie qui relate ces terribles séparations, divorces, se conclut finalement sur le resserrement des liens et l’unité recomposé.
Des îlots de solitude qu’un travelling latéral vient visiter puis relâcher sur le fil d’une musique qui les relie et les associe… tel est donc le geste filmique de Wes Anderson. Il faut alors remarquer une rangée de spectateurs réunis (Rushmore), la façade constellée d’un immeuble bourgeois (La Famille Tenenbaum), la coque découpée d’un bateau (La Vie aquatique), une chaîne de wagons disparates (À bord du Darjeeling Limited) ou encore les différents terriers d’une troupe de renards (Fantastique Maître Renard), que le regard de Wes Anderson vient visiter, les parties d’un plus grand tout. Le mouvement englobant de la caméra, la vertu unitaire de la musique permet alors d’accorder des notes, d’ébaucher une portée musicale sur les lignes de laquelle des individus cloîtrés, graves et mélancoliques finissent par être bercés et réconfortés par le souffle mélodieux d’une chanson pop.