Il y a à peine une semaine, nous en étions encore à colporter les rumeurs, à douter des unes, à croire aux autres ; voilà qui est fait : les trois sélections du 66ème Festival de Cannes ont été dévoilées coup sur coup, et après l’heure des suppositions et de l’impatience vient celle de sentiments plus variés, des déceptions (le Transperceneige de Bong Joon-ho pas encore prêt), des surprises, des espoirs. Des surprises, il n’y en a toujours que dans la limite des territoires bien clôturés de la Sélection Officielle et des noms attendus plus ou moins appréciés (James Gray, Arnaud Desplechin, Mahamat Saleh-Haroun, Nicolas Winding Refn et le contestable Paolo Sorrentino). Le délégué général Thierry Frémaux affiche toujours le même aplomb lorsqu’il en vient à expliquer que « les grands metteurs en scène font les grands films » – formule-lapalissade un tantinet sophiste, par laquelle il commentait lors de la conférence de presse la sélection du film des frères Coen, Inside Llewyn Davis. La reconnaissance envers de nouveaux venus (Kechiche et Farhadi en tête), sans compter l’annonce réjouissante d’un nouveau film de Jia Zhang-ke, tempèrent un peu le refrain pourtant inévitable de la légitimité des indécrottables abonnés.
On s’était moqué l’an passé de l’appel certes excessif du collectif La Barbe sur la représentation des femmes cinéastes ; il y a pourtant aujourd’hui de quoi ravaler ses railleries. Difficile d’encaisser la sélection du suffisant François Ozon (même si l’on dit beaucoup de bien de ce Jeune et jolie) quand Claire Denis honore le contingent d’ « Un certain regard » aux côtés de cinq autres réalisatrices dont Sofia Coppola, laissant Valeria Bruni-Tedeschi seule figurante sur la shortlist tant espérée. La Compétition aux hommes, son antichambre aux femmes, et une grande absente : Claire Simon, dont le Gare du Nord Remix que nous suivons depuis longtemps ne figure dans aucune sélection.
Enfin, est attendue au tournant cette année une génération encore informe de jeunes cinéastes français que les Cahiers du Cinéma ont monté au pinacle dans leur retentissant numéro d’avril. Si le dossier en question ne met pas tout le monde d’accord, il enregistre quoi qu’on en dise la réalité protéiforme d’un air neuf qui parcourt le cinéma français en courts métrages depuis quelque temps, qu’il devenait difficile de ne pas remarquer, et qui n’a plus maintenant qu’à éclore tous azimuts. On retrouvera Grand Central de Rebecca Zlotowski (la réalisatrice du très remarqué Belle Épine) à Un Certain Regard, La Fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko à la Quinzaine des Réalisateurs, où concourra également Tip Top de Serge Bozon ; Les Rencontres d’après minuit de Yann Gonzalez passeront en séance spéciale à la Semaine de la Critique, tandis que La Bataille de Solférino de Justine Triet (dont le Vilaine fille mauvais garçon a fait la moisson des prix en court métrage l’an passé) sera projeté dans la sélection ACID qui soutient la distribution de 9 films indépendants. Voici venue l’heure pour ces cinéastes de faire leurs preuves dans la cour des grands, et pour nos envoyés cannois de rendre compte de toutes ces singulières propositions, avec toujours la même excitation que les années précédentes !